Métachronique

Métachronique

mercredi 29 janvier 2014

« I am a false prophet ! God is a superstition ! »

Si certains films se laissent oublier, d’autres vous marquent à jamais de scènes à couper le souffle. Ainsi, dans votre esprit sont peut-être inscrits les plans séquences de Cuaron, le bain de minuit d’un homme au singulier ou une certaine pluie de grenouilles majestueuse. S’y ajoutent aujourd’hui un jet de pétrole enflammé et la partie de bowling mémorable de There will be blood. P. T. Anderson est un cinéaste du souvenir. Son secret tien dans la magnification de l’action par la lenteur. Le réalisateur étire l’espace et le temps, il sait jongler à la fois avec la contemplation et avec les moments forts, il rythme la longueur.
Au-delà d’une image frôlant la perfection, d’une photographie aride et suante, ce film dresse surtout le portrait vertical et éprouvant d’une déchéance. Le personnage de Daniel Plainview, un exploitant de pétrole à l’ambition plus grande que le cœur, creuse le propre fond qu’il finira par toucher, creuse lui-même le puits d’où jaillira sa folie.


 There will be blood est l’histoire d’un homme seul, entouré d’une fausse famille et de mensonges. Daniel Day Lewis livre, une fois de plus, une performance sans failles. Mais Anderson a toujours su tirer le meilleur de ses acteurs. On se rappelle, ému, l’incroyable jeu de Joachim Phoenix dans the Master ou la métamorphose ironique de Tom Cruise dans Magnolia. Ici, le combat vain pour l’influence, entre Day Lewis et Paul Dano (jouant un jeune prêtre), fait froid aux yeux tant il est crédible et violent. Cette atmosphère masculine est suffocante. Absence de femmes, de mères, il n’y a pas d’amour dans le décor, rien qu’un immense désert de sentiments.

There will be blood est douloureux, mais majeur.

lundi 27 janvier 2014

Purple Rain.

 
Jack, vous reprendrez-bien un bain de folie ? Un bain de vert bouillant, un sourire indélébile…
Abonné aux rôles de détraqués, d’excentriques meurtriers, Nicholson ajoutait la brique fluo à son édifice cinématographique. Sorti de son nid de coucou, sorti, hache à la main, du labyrinthe de shining, il revenait plus toqué que jamais. S’il souffre aujourd’hui de la comparaison avec le regretté Heath Ledger, superbement cruel en Joker nolanien, il s’inscrivait pourtant dans une fresque haute en couleurs et en savoir-faire. 

Burton tient, avec Batman et Le défi, deux de ses meilleures réalisations.
On ne peut oublier ce superbe travelling arrière sur une tablée, chapeautée par un joker hilare. On ne peut oublier ces décors et tous les costumes démesurés, les rires mécaniques et l’humour rétro, un atelier-peinture d’anthologie, des éclaboussures de rose et de vert sur un rythme princier. On n’oubliera pas les longues jambes de Basinger ou le cuir moulant de Catwoman, sous une pluie d’étincelles.

Dans les deux Batman de Burton, le trop a comme un goût de pas assez. 


dimanche 26 janvier 2014

Un soupçon d'amertume.

 
Martin, avez-vous cru naïvement que l’esthétique et de jolis yeux bleus viendraient à la rescousse d’une de vos énièmes tentatives cinématographiques inabouties ?

Que l’on s’émerveille de la beauté de ce tableau aux teintes enchanteresses, des images d’un bleu profond qui embrasse comme une couleur chaude. Que l’on saisisse, complice, les clins d’œil cinématographiques et les instants magiques. 
Dès lors, que reste-t-il à Hugo Cabret ?

Il ne reste que des maladresses kitsch dans un tableau superbe. L’action passe trop vite –comme train pressé et plus une once d’émotion ne vient nous parcourir. Un automate dessine sans qu’on n’ait eu le temps de verser une larme sincère. L’intrigue se déroule comme une bobine en pente raide et les acteurs sont pris dans une avalanche de manichéisme et de miel.
Il est inconfortable de voir ces enfants jouant comme des adultes, avec une volonté d’enseignement sans grande finesse.

Et ça ne gêne personne un Paris où tout le monde parle anglais ?

Scorsese se laisse dévorer par sa passion, submergé d’envies, d’idées, toutes présentes jusqu’à l’écœurement. Le film mérite probablement de n’être vu qu’en 3D, prenant avec la nouvelle technologie un sens nouveau et plus abouti, plus sensé. Sa version 2D manque donc du relief nécessaire pour en faire une œuvre riche, questionnant le cinéma, la magie de sa création et ses effets sur le spectateur. A « plat », tout ceci reste un peu académique, l’aventure du petit Hugo est simplement une bonne introduction au cinéma, jolie et technique, pour des enfants intéressés.

lundi 13 janvier 2014

Fill all my holes.


Ouverture sublime. La neige flottant et les toits coulants, une main en sang sur les pavés -préliminaire excitant avant la débandade. Chapitre après chapitre, ce demi-film prétentieux nous impose d’inutiles provocations, des jeux d’acteurs ridicules, des pénis en ribambelle et des réflexions stériles. Charlotte Gainsbourg est insipide et sa version adolescente –pourtant moins fade, s’enfonce dans des scènes sales ou grotesques, avec une Uma Thurmann méconnaissablement mauvaise et un Shia Labeouf inapproprié.

Nymphomaniac est une masturbation collective de soi-disant « artistes indépendants », qui s’auto-congratulent, fiers de cette non-simulation glaciale et superflue. Ce banquet de crudité sexuelle est à vomir, la misogynie impitoyable et la perversion malsaine (la scène des grenouilles est éprouvante). Lars Von Trier nous prend en gang-bang : biflés par la bêtise, sodomisés par l’ennui, recevant la purée froide et gluante d’un scénario branlant.

Oublions l’accumulation de prétention le temps d’un superbe morceau de Bach en splitscreen, avant que ne revienne ce goût amer de l’impression d’avoir été roulé, avec une conclusion à base d’ingrédient secret et quelques images d’une deuxième partie qui aurait de la violence au bout des lèvres.

Non, toutes les bites du continent ne suffiraient pas à combler la vacuité de ce film et du jeu de Charlotte Gainsbourg.

jeudi 9 janvier 2014

"Ce quelque chose que les autres n'ont pas."

 

THE KILLING - SAISON 1
 
La jeune Nanna Birk Larsen est retrouvée morte dans un véhicule de campagne électorale. Sarah Lund, flic impliquée, mène l’enquête.

D’une lenteur désarmante, the Killing (Forbrydelsen) vous dépossède de vos certitudes. La série est sombre ; plongés dans l’obscurité humide d’une cave, d’un entrepôt, vos yeux sont râpés sur le béton et roulés dans la poussière. L’ambiance glace le sang, donne la chair de poule. Et toujours la même musique… cinq pistes d’un disque rayé, cinq pistes familières reviennent sans cesse vous rappeler que ce n’est pas fini.
La série tient grâce à des acteurs justes, naturels et portant le pull comme personne. Le duo Lund/Meyer est explosif et chaque personnage expose à vif ses tendres failles. Ils vous transpercent tous d’émotions brutes, ils vous entraînent dans la spirale infernale de la curiosité. L’intrigue est remarquablement bien répartie, le parallèle avec le monde politique est judicieux et tous les mensonges, toutes les trahisons quotidiennes révélées par ce meurtre irrésoluble s’enroulent en un cyclone de suspense dévastateur.
The Killing est une drogue dure, un pur produit danois, de ceux qui cognent dans la poitrine et vous disent d’en reprendre encore, encore. Cette série est addictive, dans vos veines se répandent chaques 55minutes d’un épisode comme si elles étaient une seconde. Vos veines se teintent de noir, vous êtes partis pour vingt doses, pour vingt épisodes, pour vingt sublimes secondes.

mercredi 8 janvier 2014

Le loup de Wall Street ou Comment Sens Critique a profondément modifié ma façon de regarder un film.


Entrée en matière rebondissante, Leonardo fringant, l’œil vif, le jeu brillant. Des dialogues extras, une image clean et une performance éclair absolument ravageuse de McConaughey ; oui, le dix vrillait dans ma tête.
Puis Martin m’a prouvé une bonne fois pour toutes qu’il avait abandonné sa scripte, avec du faux raccord à tout va, du genre qui saute aux yeux pour les injecter de sang, du genre qu’on ne peut pas vraiment se permettre quand est un cinéaste. Le loup a eu les dents trop longues, il a mangé deux points et redescend à huit.
J’ai voulu regarder l’heure, mais le moment était agréable, le film ravissant et Léo de plus en plus impressionnant. Stagnation de la note, je comprenais l’engouement sur Sens Critique, l’avalanche de 8 et de 9, je me voyais déjà mettre plus de sept à un film de Scorsese et me faire ainsi une place dans l’élite des critiqueurs rayonnants du site. Mais la blonde à la voix mielleuse est apparue. Jalousie oblige, mon huit s’est raidi en un sept injuste.

Arrivée à ce qui m’a semblé être la fin du film, mais qui n’était qu’en réalité la fin de sa première moitié, j’ai pris conscience que le réalisateur nous roulait dans la farine, nous jetait de la poudre aux yeux, que son film ne disait rien. Quel est le point ? Qu’a voulu déclencher Scorsese dans la petite caboche de son spectateur ? A-t-il pensé que l’on voit un film aussi avec son cœur, avec ses sens, avec son esprit ? Rire est bien beau, mais réfléchir n’est pas du luxe. Mon 7 est devenu juste.

Je me suis sentie traînée jusqu’à la fin de ces trois heures, à toutes les 30 minutes qui passaient, j’ai voulu retirer un point. A chaque champ/contre-champ raté, j’ai voulu retirer un point. A chaque apparition de Dujardin, j’ai voulu retirer un point (et je les ai haï, lui et Cotillard).

Finalement, ce grand méchant loup drogué et arrogant écope d’un 6 indulgent. Maintenant, j’attends de 2014 un film qui me fasse oublier qu’à la fin, je le réduirais à quelques étoiles sur un site obsédant.