Métachronique

Métachronique

dimanche 24 février 2013

La vie secrète des jeunes.

Elles sidèrent autant qu’elles amusent, ces brèves de trottoir croquées par Riad Satouff, le bédéiste affamé de vie toute crue. Dans une rame de métro, sur les banquettes du Mc Do, nous croisons chaque jour ces visages pré-pubères, boutonneux, tout aussi répugnants, tout aussi difformes que les simples traits en noir et blanc du dessinateur. Nous sommes quotidiennement spectateurs de cette bêtise, mais ici accumulée page après page, elle nous saute aux yeux, elle nous dégoûte, elle nous éclate ! Nous lâchons un rire franc, spontané, comme un coup de poing inattendu, ou bien un rire grinçant, un peu honteux. 


Les trois tomes se dévorent inlassablement, et, si vous n’êtes pas assez gavés de cruauté humaine et de situations absurdes, reprenez une tranche de Satouff avec les excellents Bogosses (son film un peu plus nostalgique et atemporel, non moins hilarant et réaliste).


vendredi 22 février 2013

Girls sur le grill.


J’ai déjà écrit sur Girls, la série encensée ou piétinée, sur laquelle soit on lance des fleurs en bouquets soit on crache avec dégoût. Après une première saison à patauger dans l’incertitude, dans le doute de sa qualité, la seconde ne parvient pas encore à décider ses spectateurs. Certains épisodes sont d’une beauté fragile (S2 Ep4). Quand ils s’aiment, se sont aimés, se déchirent, quand ils sont seuls. Quand Hanna ne prend pas toute la place, avec son corps ostentatoire, avec son nombril aspirant tous les autres personnages et leur potentiel. Girls est moins le reflet d’une génération que celui de l’égoïsme envahissant de sa créatrice, nous imposant son image, ses shorts disgracieux, ses mots, sa nudité, nous imposant son histoire encore et encore et encore, elle, encore.
La série se fait plus vulgaire, plus triste aussi. Prétentieuse et pourtant terriblement imparfaite. La saison 3 nous laissera-t-elle goûter à l’eau du grand bassin ?

dimanche 17 février 2013

Nous commettons des choses horribles, nous faisons des guerres, nous tuons des gens par cupidité. Alors qui sommes-nous pour dire comment aimer ?


Miranda July, dans ses films comme dans ce bref instant de romantisme, relate avec une poésie extraterrestre, nos étrangetés solitaires, ces moments tordus où l’on se retrouve face à soi-même. Elle est maîtresse absolue dans le récit des mouvements absurdes de l’existence. Elle amuse par des dialogues décalés, elle émeut par la force subtile des mots et la description fragile des situations.
Dans ses nouvelles, elle emploie le langage cru de la vie vraie, avec lucidité et intelligence, façonne des personnages auxquels l’on s’attache, auxquels l’on prête notre cœur, l’instant de quelques pages, pour qu’ils durent encore, pour qu’ils vivent quelques phrases de plus. 


Miranda July – Un bref instant de romantisme (nouvelles) - Flammarion

samedi 16 février 2013

Crime d'amour.


Assise sur Banderas, un billard assiégé par les va-et-vient de Rebecca. Après un strip-tease mémorable, des mains rugueuses crispées sur sa chair saillante. Femme fatale jouissait d’une scène de sexe rude et marquante, baignée dans la lumière jaunâtre d’un sous-sol insalubre. Là, sur ce billard souillé, on sentait la passion.


Jeux de lumières, d’ombres, couleurs profondes. L’image envoûtante nous invite dans un univers de travers, dans un fantastique léché, alléchant. De Palma se lance, avec Passion, dans un exercice de style certes brillant, mais pas suffisant. On regrette qu’il n’ait pas poussé plus loin la manipulation, les jeux de rôles pervers. Où sont les chairs, les masques, le sulfureux que promettait cette vicieuse histoire ?
Le trio d’actrices reste en permanence sur le fil du rasoir, McAdams un peu pathétique, Rapace souvent étrange (mais plus convaincante que Sagnier dans l’original de Corneau) et Herfurth flirtant avec le cliché. Mais elles en font assez pour nous plonger dans une ambiance glaciale, derrière les vitres de leurs bureaux aseptisés.
Passion donne le vertige.

mercredi 13 février 2013

Quand on partait de bon matin…

 Une main juvénile agite un voile qui vole au vent, dans la poussière sablée, derrière un petit vélo filant, filant. Et la fillette court pour l’attraper, ses baskets foulant le sol sous l’abaya, pour rattraper ce vélo dont elle rêve.
Mille pieds de nez aux interdits, une queue-de-poisson à la vertu, Wadjda est le petit conte clandestin d’une enfant prête à tout pour une bicyclette, pour enfin battre son ami à la course en roue libre. Mais en Arabie Saoudite, la condition des femmes est aussi freinée que celle du cinéma et le vélo est réservé aux hommes. Mais Wadjda n’a que faire de ces règles, elle cherche simplement un peu d’évasion avant que son sourire malicieux et ses yeux rieurs ne soient couverts par la pénombre. 


vendredi 8 février 2013

Cocksucker.

Hitchcock c’est du too-much enfermé dans de l’académique, on y joue la tête penchée, la bouche en moue prétentieuse, les cils battants. Hopkins nous offre le spectacle ridicule d’une diction insupportable et artificielle et Scarlett Johanson hérite d’un rôle plus vide que les verres d’Hitch. Seule Hélène Mirren rayonne, pourtant héroïne de l’ombre dans ce film en demi-teinte, dans ce faux biopic inutile et prude. Là où l’on s’attend à découvrir un personnage tout fait de vices, dérangé et dangereux, on n’y trouve qu’un vieux bedonnant capricieux et assisté.


SINGING NOT ALLOWED

 
Une image claire et grainée, où chaque pore est transpercé d’une lumière crue, cruelle de naturel, pour un réalisme accru. Autour, le son pur, l’eau entre les pierres, les pas sur la terre humide d’une Irlande déchirée, les souffles et les soupirs. Un coup de feu dans le silence.
Bien ficelée, cette histoire sans égarement tient en haleine, très justement interprétée par des acteurs discrets. On regrettera l’absence de joie, de force dans l’émotion. Shadow Dancer est un film du manque ; et la fin en twist s’efface pudiquement dans la pirouette fatale de ce danseur de l’ombre.

mardi 5 février 2013

Nous sommes tous le fou de quelqu’un.

 
Filmé très moyennement, avec le parti pris bancal d’une caméra tremblante, d’une caméra comme un animal craintif qui, curieuse de la profondeur des personnages, court vers eux après les avoir épiés de loin, Happiness Therapy séduit autrement que par l’image. C’est une danse maladroite entre deux âmes abandonnées, leur reconstruction par le bonheur, qui vaut à Jennifer Lawrence et Bradley  « Multi-tétons » Cooper une note bien supérieure à 5.0.
Tiffany et Pat ont la sincérité qui les démange et qui dérange. Elle dérange ceux qui enfouissent leur part de folie, qui cachent leurs problèmes derrière des excuses aveugles, ceux qui n’assument pas leur humanité, avec tout ce qu’elle a de faiblesse et de fragilité.
Happiness Therapy est une comédie douce et modeste, une drôle de petite séance de psychologie, un divan confortable où se délient les cœurs.

samedi 2 février 2013

Tu m'oublieras...

 
Ouh le casting alléchant ! Walken, Farell, Harrelson et Rockwell sous une pluie de tirs, de répliques toutes faites, dans un méli-mélo de scènes géniales et de vacuité scénaristique.
Le début de 7 psychopathes prend plutôt bien : le rythme est soutenu, chaque personnage est présenté un à un, sans chichis. Puis tout ce petit monde s’exile dans le désert –désert complet. Tout le charme de cette comédie sanglante est alors balayé de poussière, le scénario est enseveli, ne reste rien d’autre qu’un délire perso du réalisateur qui nous laisse sur le bas-côté. Après d’amers baisers brugeois, Martin McDonagh a décidément du mal à se faire une place dans mon cœur passionné.