Métachronique

Métachronique

dimanche 22 décembre 2019

Mon bébé de Lisa Azuelos


"Depuis quand y'a des smileys kimono et y'a pas de smileys va te faire enculer ?!"

Solaire Sandrine, fondue dans l'amour d'une mère, dans l'amour inconditionnel, envahissant jusque dans son réconfort, rassurant jusque dans son indiscrétion. Lunaire Lisa, sachant si bien capter les contradictions, les éclats et débordements, les écarts à la bienséance.

"Moi, je sais qu'au présent je t'aime."

Grinçante Sandrine, quand elle explose en larmes et hormones, comme une femme vraie, aux humeurs et amours changeantes, aux épaules solides et cœur fragile. Louve Lisa, à la caméra bienveillante posée sur nos sentiments, nos familles, nos imperfections, notre belle banalité.

vendredi 27 septembre 2019

"Je suis en migration."


Je ne sais pas. Si c'était le bon moment, si j'étais la bonne personne, le bon public. Mais Perdrix m'a percutée, bouleversée, touchée, coulée. Perdrix m'a eue. En plein cœur, en plein dans l'âme. En plein là où ça palpite de vie et de différence, de révolte et de rien à foutre, de bord cadre et de beauté. En plein dans la marge, dans le débordement, sur la ligne de fuite. Une flèche d'humour plantée dans le love, une balle de douleur, d'humeur, nichée dans l'humain, un bouclier d'absurde pour étancher la réalité. 

Je ne sais pas. Si je suis objective, si j'ai vu du vrai cinéma là où il n'y avait que de la recherche et de l'expérience, mais je crois que Perdrix vaut mille Tarantino, même s'il n'en dure que la moitié, on n'endure pas une seconde. Rien n'est pénible, tout est finesse, non-sens, sensible. Tout est pensé, pesé, sincère, juste. C'est un film pour tout le monde, même ceux qui n'y sont pas. C'est un film pour ceux qui ne savent pas être aimés, qui dévient, dérangent, qui dévivent.

Je ne sais pas. Si c'est parce que j'ai espéré trop fort que cette fiction puisse être réalité, mais Perdrix est probablement, certainement, absolument le plus beau film que j'ai vu cette année. Une bousculade inattendue, extrêmement simple et extraordinaire. Que la vie soit ainsi... 

samedi 22 juin 2019

"Faut pas grand-chose hein pour se sentir mal ?"


Ca sent la pisse, la bière et le sexe. C'est un roman à la langue crasse et saoule. C'est un putain de splendide bouquin ! On se croirait dans le port d'Amsterdam, dans la chanson, avec les marins et les mots qui tanguent. Sauf qu'ici, nous sommes dans un huis-clos à ciel ouvert, aux confins de nulle part, avec pour compagnons une communauté d'inconsolés défiant le temps à grandes rasades de whisky. 
Estelle Nollet écrit comme chantait Brel, elle parle la poésie du simple, du sale, de l'espoir sous la poussière de nos vies.

jeudi 25 avril 2019

" Que cette vie aille se faire foutre. "


Me tenir debout sur le dos visqueux d'un flétan, plate, écrasée par le poids de la vie, par l'atmosphère assassine de la Lune et voir la balle du flingue filer dans les airs, dans l'apesanteur débile, en tendant le cœur très haut dans l'espoir de la rattraper.

Me boufferais bien un Magnum.

Essaie. Claque des doigts et éteins le soleil. Essaie de mieux aimer, de mieux vivre, essaie de l'oublier, de voir le bon côté des choses, de profiter de la vie. Essaie de faire pleuvoir quand la terre est trop sèche, essaie de ramener le beau temps pour les vacances, fais en sorte qu'il y ait moins de vent dans mes cheveux parce que sa franchise me décoiffe. Essaie d'être bon, de fermer ta gueule de temps en temps. Juste un petit effort... Essaie, fais preuve de volonté, décide de ta vie comme de la météo. Décide d'être fort comme un ouragan, droit en l'air malgré le ravage. Décide de vivre comme une brise, un souffle léger qui ne dérange personne, qu'on sent à peine, invisible et solitaire. Prends moins de place. Reste en vie car c'est ce qu'on a décidé pour toi, de toi, et que notre volonté soit faite ! Aie donc un peu de volonté. Regarde, il y a des gens qui t'aiment, qui veulent pas que tu partes. Alors claque des doigts, arrête de cogiter, claque des doigts et allume le soleil.

" ça va aller, dit-elle. ça va aller. " 

mardi 23 avril 2019

Je ne t'inflige rien d'autre que la vie.


Xavier,

Ne cesse jamais de faire battre mon cœur avec du cinéma. Moque-toi infiniment de ceux qui ne comprennent pas. Poursuis pour toujours, avec ce talent inouï qui est le tien, ton exploration du non-dit et de l'amour impossible. 
Tes films me gardent en vie, il me sont une des raisons de rester. Des clins d’œil indiscrets. Je te regarderai vieillir au plus près de moi dans les salles obscures.

A nos 30 ans, aux années 90, à l'émotion.

Merci.

Les détails, il tient à ça le cinéma de Dolan. A quelques secondes volées à mon adolescence - enfant des nineties - à des bonds immédiats dans mes souvenirs, dans nos passés et nos intimités. Parce qu'on a eu le même âge, en même temps, chacun à un bout de la planète, qu'on a baigné nos jeunesses dans la même culture populaire, dans les mêmes morceaux, les mêmes émissions, les mêmes films, les mêmes séries ratées. Alors quand "Kiss me" surgit, dans cette voiture comme un air en fuite, une mélodie fugitive échappée de mes onze ans, quelque chose galope dans ma mémoire et s'échappe en un cri - au génie ! Ce film m'a submergée de moi-même. 

Kiss me (clique donc)

Ce film, je l'ai éprouvé avec tout mon corps. Les larmes, elles sont venues du fond de moi, elles sont revenues de quinze ans en arrière. Dolan, avec "The death and life of John F. Donovan", comme avec "Mommy", "Juste la fin du monde", "Laurence Anyways", exhume des sensations enfouies, il nous ramène à la brutalité du sentiment, à sa simplicité, son universalité singulière. Ces sentiments qu'on dit si mal, mais qui sont trop souvent la seule chose qui reste de soi.
Alors la nostalgie et l'émotion s'entrechoquent, les souvenirs se mêlent à la fiction, masse pesante de ressenti : le corps tremble, l'esprit est envahi, la tristesse, la joie et la tendresse mêlées débordent des yeux, du cœur, des profondeurs de l'âme.
Tout ça grâce aux détails, à la chanson idéale, à un timing et un montage parfait - au rythme de l'homme : inégal, bondissant, pas raisonnable - et à une photographie au plus près des visages, de leurs expressions, des larmes et des sourires, au plus près du jeu vertigineux des acteurs. 

mardi 9 avril 2019

"C'est peut-être ce qu'on appelle une âme."

Né d'aucune femme est une rencontre. Avec Rose, avec Edmond, mais surtout avec les mots. Les mots qui ont le pouvoir immense de changer des vies, de court-circuiter le destin. Né d'aucune femme s'absorbe, se fond en son lecteur, on souffre avec Rose, on sanglote, on s'émotionne, on se débat avec elle. Son histoire nous possède tout entiers. On respire par sa bouche, on enfile ses mots, on s'habille de son parcours et notre cœur bat au rythme des secrets qui se dévoilent.



Né d'aucune femme est un Roman, oui, avec un grand R ! Un R fort et droit debout comme Rose, son héroïne, qui se dresse courageux plutôt que de se recroqueviller. Un R rural, rude, rugueux, parce que la vie ne l'est pas, rose. Parce que si on la laisse faire, la vie ravage, rétame, prive, abuse. Parce qu'on n'enferme pas des mots, pas même dans un roman... Ceux-là sont partis beaucoup plus loin en moi que le château et sa forge, que la forêt que j'imaginais dense, que l'asile sombre et austère ; ils ont cavalé jusqu'à mon cœur pour le faire battre à toute vitesse, ils ont bravé la fatigue et le temps qui passe pour s'inscrire dans ma mémoire de lectrice, dans mon esprit qui ne veut plus suivre personne d'autre désormais que Rose, Edmond et Charles dans leur fuite vers la liberté.

samedi 9 mars 2019

Red hot


Jamais deux sans trois… David Simon a encore frappé ! Le créateur revient avec the Deuce, une fresque de personnages évoluant dans le milieu de la prostitution et de la pornographie à New-York, dans les années 70. C’est encore une fois un récit humain ultra-documenté, recréant l’atmosphère d’une ville américaine. Après Baltimore et la Nouvelle-Orléans, nous voilà sur les trottoirs sales de Times Square aux côtés de James Franco et Maggie Gyllenhaal qui s’échangent des dialogues crus, vrais, bandants. Dans the Deuce, pas de filtre sexiste, on voit tout ! Du bout de sein aux sexes dressés, hommes et femmes sont à la même enseigne sous la pluie et les projecteurs.

La deuxième saison se resserre sur ses personnages, prend en chair, en force, en intensité. Les femmes sont belles, posent leur courage sur la table, portent haut leur audace, leurs rêves. Elles rayonnent dans cet univers lugubre, crade, malsain. Elles sont un élan de soleil et d'espoir. 

La série prend son temps, là où les séries d’aujourd’hui font la course aux rebondissements, au suspense, au sensationnalisme. Ici, tout avance au rythme de la vie. C’est réaliste, riche, politique, c’est féministe, drôle, savoureux et éprouvant parfois. Ça démange, ça excite, ça amuse, dérange, captive, ça bouillonne. C'est une bombe.

The wire, Treme, the Deuce : Ce sont trois familles un peu tordues qu’on a, à chaque fois, beaucoup de mal à quitter.


mardi 22 janvier 2019

J'ai dans la tête des montagnes de questions...


La nuit, je mens de Cathy Galliègue

"Oui, j'aurais vécu dans une poubelle, sous les bombes, j'aurais braqué une banque pour acheter son petit doigt, et qu'il m'effleure enfin. Je lui aurais offert les femmes, celles dont il rêve - peut-être - pour qu'au petit matin il s'endorme, repu et épuisé, la tête sur mon sein. J'aurais versé mes sacrifices sur l'autel d'un amour impossible, j'en aurais fait mon chemin de croix, je me serais ensevelie vivante et il serait venu s'agenouiller sur ma butte. Et j'aurais ri, la bouche pleine de terre, j'aurais méprisé et adoré cet homme incapable d'aimer debout."

Il y a des auteurs comme ça. Qui font pleurer dès la page 40, qui vous bombardent de putains de phrases, vous écroulent, vous terrassent page 35, qui excitent doucement page 60, fermement page 157, vous enveloppent de chaleur rien qu'avec des mots, vous envolent vers les paysages brûlants de l'Italie ou vous roulent sur les pavés fous de Paris, qui pénètrent vos souvenirs, votre intimité, votre vécu, touchent pile là où ça émeut, même si l'histoire n'est pas la vôtre.

Sois-en sûre, Mathilde, tu as écrit un beau livre.



mardi 8 janvier 2019

Assez de larmes pour éteindre un incendie...


S'il n'y avait pas eu Pierre Niney, je n'aurais peut-être pas tant pleuré, je n'aurais peut-être pas su trouver le beau, le grand, le superbe dans cet être dévasté, je n'aurais pas eu le cœur tout tordu, les yeux inondés, un cri d'amour au bord des lèvres. J'aurais peut-être trouvé le temps long, malgré des dialogues justes et finement écrits, des références microscopiques et délicates, une réalisation simple mais puissante. 
S'il n'y avait pas eu Pierre Niney, j'aurais vu un autre film, une autre histoire avec les mêmes faiblesses, mais aussi avec la même profondeur. J'aurais vu un film où l'humain est au centre de tout, imparfait et faillible, pas du tout à l'épreuve du feu, exposé à la vie malgré l'obéissance et le courage.

Sauver ou périr.

Périr parce que le corps, la beauté, la jeunesse, rien de tout ça n'est impérissable, ça s'envole. Mais l'amour... l'amour ça sauve, ça rend beaux même les souvenirs brûlés, ça rend fortes les âmes les plus ravagées, ça nous arrache aux flammes du temps, parce que, par amour, la vie au bord du vide parfois choisit de ne pas basculer.