Métachronique

Métachronique

samedi 25 mai 2013

You wanna fight?



Nicolas Winding Refn monte les marches rouge sang du festival. La caméra le suit, ralenti sur son dos lent et le gilet gris qui l’habille. Sobre. Il arrive sur l’écran, pleine face, devant les nombreuses spectatrices -vaginales ou clitoridiennes, toutes présentes pour le roi Ryan- et quelques fans du réalisateur qui nous avait allègrement alléchés avec Drive, attisant ainsi notre curiosité. Silence. Long silence troublant.

Sous les yeux béats du public, Refn, d’une main experte, sort son outil, s’en empare vigoureusement et se livre à un pignolage intense. Sa main va et vient, va et vient, il se frotte jusqu’à l’os. Complètement extérieur, on ne peut que le regarder. L’image est belle, oui, mais seulement l’image. Aucune émotion que celle du dégoût. Aucune autre implication que celle de la vue, devant cette photographie sublime.


Only God Forgives n’est que l’indigeste masturbation d’un réalisateur se prenant pour un génie. Refn a fait son film pour lui-même, y fourrant tous ses fantasmes pervers, ses désirs malsains, tout ça giclant de violence obscène. Jet de sang sur les murs, sur les visages -Ejac faciale. Insinuant dans nos bouches une purée dure à avaler.

Et Gosling, perdu dans cette mélasse gore, se prête au jeu. Et il joue mal. Il est là, l’œil vide poissonneux. Suçage de bite, le regard impassible. Et ça se caresse dans le sens du poil, et ça se regarde faire, surtout (attention mesdames, les gros égos font de piètres amants !). La masturbation devient collective, mais reste extérieure à nos yeux spectateurs.


Applaudissements. Certains ont apprécié le voyage. Certains se sont régalés de cette violence gratuite et dispensable, d’un scénario fainéant. Certains, éblouis par la technique remarquable du réalisateur, en ont oublié ce qu’est le cinéma : un art.

« L’art est une activité humaine, le produit de cette activité ou l'idée que l'on s'en fait, s'adressant délibérément aux sens, aux émotions et à l'intellect. » Wikipedia

Ce film n’a rien d’humain, l’intellect piétiné par une vengeance animale, primaire ; l’humain frappé d’une brutalité insoutenable, grossière.  
Ce film est la masturbation esthétique d’une bête.

Only gore forgives

mercredi 22 mai 2013

Crazy in love


The Great Gatsby s’inscrit dans un cinéma sinusoïdal, alternant descentes aux enfers et beautés aériennes. Des voiles dansent au vent, une main pâle s’élève, les fenêtres se ferment et le soufflé retombe.

Pluie de paillettes, remue-ménage sur du Jay-Z, anachronismes délicieux ; cette histoire d’amour impossible n’est que plus atemporelle, universelle, traversée par cette BO où le jazz embrasse le R’n’b, où le hip-hop pénètre un charleston. Ces cœurs battant en rythme sont les mêmes à chaque époque. Ces parties mondaines où l’abondance déguise le vide traversent les décennies. Ces amours impossibles pleureront toujours sur des mélodies mélancoliques.

Belle réussite donc que cette partition, tachée pourtant de fausse notes visuelles : les acteurs mal incrustés se croisent dans des décors factices, dans des jardins de plastique. La réalisation s’embrase jusqu’à brûler les yeux, parfois. Jusqu’à éroder le bon goût en gros plan. L’abus des textes en surimpression sont à l’image de Tobey McGuire : un choix malheureux.

McGuire qui joue l’entremetteur nigaud, l’écrivain refoulé perdu dans une fascination pour le mystérieux Gatsby. Il narre le récit de sa plongée dans le bling-bling via une consultation médicale superflue, alourdissant le film d’une voix off et de ringardise.
En revanche, Luhrmann réveille les deux autres acteurs, qui s’éteignaient dans un jeu trop régulier, sans surprise, nous poussant à la limite de l’agacement. Ici, Di Caprio retrouve enfin son sourire charmeur, perdu sur la route de Scorsese et, libéré de ces rôles amers redondants, il brille à nouveau. Mulligan à son bras, pour une fois, ne ternit pas le tableau. Elle est fraîche et cruelle, triste et riche, si riche.

Succès en demi-teinte pour ce magnifique Gatsby, où l’excès pousserait presque à l’indigestion.


lundi 20 mai 2013

Carry on, carry on as if nothing really matters...


Il trébuche sur des clichés, heurté, il se casse la figure. Il saigne, coule, coule, tout rouge. Il crie, fort dans le vide, mais personne ne vient à son secours. Le film d'horreur souffre.
Depuis l'ingénieux Cabin in the woods, le frisson s'égare, perdu dans les bois, dans un grenier ou sur des bobines en super 8 (Sinister). Cherchez-le en vain dans le nouvel Evil Dead, où gicle à tout va du sang en chair de tomate, mais où jamais ne s'installe la peur, cette peur gorgée d'adrénaline, de jouissance que procurent certains bijoux du gore ou de l'épouvante. Dévoré par son prédécesseur, Evil Dead oscille entre l'hommage boiteux et le remix dégueu, le tout mis en image par un truquiste probablement perdu dans un enfer artificiel.


C'est la même drogue qu'ont dû renifler Jessica Chastain et Del Toro, l'une en jouant dans un nouveau navet de simili-horreur, l'autre en produisant cette grosse blague mal foutue qu'est Mama.
Mama, fantôme contorsionniste aux cheveux de coton poussiéreux. Mama, squelette à fort strabisme, mi-pédophile, mi-maman poule, qui gémit des chansons à deux gamines perturbées.
On croule sous une avalanche de procédés usés jusqu'à la corde (cf flash de l'appareil photo) venant décrédibiliser, avec l'aide de l'immonde matérialisation de Mama, un film qui partait pourtant bien. Plutôt bien.
Mais pas un sursaut de frayeur ne réveille notre ennui, pas un moment de tension ne mouille nos pantalons, même un télétubbies prendrait Mama pour une comédie, même un enfant aurait conçu un fantôme plus effrayant et un scénario moins niais.

Finalement, pour faire peur, les français ne sont pas si mauvais...  


BOUH!

mercredi 15 mai 2013

"define killed"


Écoutez la voix chaude et calme de Rosario Dawson, détendez-vous... Mais surtout, surtout, ne fermez pas les yeux!
La caméra de Danny Boyle kidnappe les mouvements, les instants d'ombres et de lumières. Son cinéma secoue; maître incontestable du rythme, il choisit une fois encore une BO électrique, boostant ce film hypnotique.
Perdez le contrôle, laissez l'action vous envahir, mais gardez les yeux ouverts!
L'image est fascinante, saturée, elle tangue, elle se renverse comme les situations, comme le pouvoir. Chaque personnage passe de manipulateur à manipulé, de bon à mauvais, rien n'est définitif. 


Vivez cette expérience corporelle de cinéma.  
Entrez en Trance.

lundi 13 mai 2013

Papa, dans ma poche... La photo. Tu peux la prendre.


El Paso n'est qu'une toute petite histoire, un peu trop personnelle pour être touchante, un peu trop pudique pour être passionnante, un peu trop vide pour être une oeuvre. Le dessin est pourtant bon, visages estompés et couleur de terre rouillée, ils collent à l'éphémère de ces instants racontés. 
El Paso est une fade succession de souvenirs, plutôt mal agencés. Préférez-y le bien plus abouti Chaque chose de Julien Neel, la tendre histoire d'un homme en expédition dans sa mémoire, au rythme efficace fait de temporalités entrecroisées.


lundi 6 mai 2013

Mon Alice, Alice…

 


Stoker est ce genre de peinture que l’on observe, extérieur à l’œuvre, et qui nous pousse vers une lente fascination. À défaut d’identification, nous sommes prisonniers d’une atmosphère, de cet univers de conte pour adulte pervers.
Dans les mains de Park Chan-Wook, la caméra se fait pinceau, des acteurs atypiques dans la palette. Sur cette fresque inquiétante, fissurée par le sourire de Matthew Goode, gicle du rouge sang, s’enroulent des rubans pastel, et s’élèvent de vilaines ombres mortuaires. Des pieds nus se glissent dans des escarpins vernis, un nouveau fétichiste se dévoile. Ces images… Ce cinéma singulier hante. Le réalisateur est si précis sur les détails, si pointu sur la beauté qu’ils en deviennent malsains. Stoker est ce genre de peinture qui ne vous quitte plus des yeux.

vendredi 3 mai 2013

"Le liseron est un calice / Qui se balance à fleur de sol. L'éphémère y suspend son vol / Et la coccinelle s'y glisse."


Ça fume, ça bouillonne, ça stop-motionne dans le laboratoire de M. Gondry, là où le cinéma devient de l'art plastique. Avec du tissus, des machines farfelues, du génie et trois bouts de ficelle, l'écume des jours reprend vie sous les doigts d'un autre artiste.
Dans cet atelier de l'onirisme et de l'imaginaire, Gondry donne le jour à un monstre de poésie, un monstre avec le rire unique de Duris et la voix enfantine de Tautou. 

Joyeux bricolage.