Métachronique

Métachronique

lundi 28 octobre 2013

Enfermés dehors.

Cette année, les blockbusters m’ont régalée. Je croyais en avoir eu pour mon compte, rassasiée par l’esthétique Oblivion, le secouant Elysium, le massif Pacific Rim, laissant sur le pavé de pauvres miettes aux pigeons (World War Z, Man of steel, Iron Man,…). Mais voilà que M. Cuaron me sert sur un plateau d’argent, un plateau 3D, une énorme gourmandise faisant passer les susnommés pour de gentilles mises en bouche.


C’est avec une virtuosité renversante que Gravity envoie valser les codes cinématographiques, bondit au-dessus des barrières, des limites du cadre. Explosion de repères. La caméra flotte, en immersion dans un scaphandre, cocon d’où jaillit enfin le papillon, avec une grâce divine. Reploie ses ailes en position fœtale. Silence. Respiration. Les chocs amortis par le ralenti de l’apesanteur se fondent dans une musique cosmique. 
Embarquez pour une expérience complète ! Gravity est éprouvant, tout votre corps est à l’écoute, tout votre corps est pris dans ce voyage dans la profondeur de champs. La 3D vous kidnappe, vertigineuse. A cet instant, je suis déjà loin. Gravity m’a percutée à grande vitesse et je virevolte maintenant avec, dans la tête, des images grandioses.

samedi 26 octobre 2013

Et là, dans la lumière...

BD - Blacksad T1 - Quelque part entre les ombres

Cette patte est marquante, ce dessin ne peut que séduire. Et si l'action est un peu molle, le mouvement quant à lui est vif. Ambiance feutrée, féline, toutes griffes dehors ; on entre dans Blacksad charmé, on en ressort divisé : La beauté est incontestable, chaque case impressionne de profondeur, mais le texte et l'intrigue ne sont malheureusement pas à la hauteur des illustrations. 
Ça détonne.

jeudi 24 octobre 2013

« Je suis à l’âge où l'on ne dort nulle part… »


Le blond vous va si bien, Fanny.

Anne Fontaine avait Robin Wright et Naomi Watts, Marion Vernoux a trouvé sa muse à la française, plus belle et plus libre encore, plus franche, plus vieille et plus triste encore. Vous avez du courage, Caroline, vous avez ce courage rayonnant d’assumer l’âge, d’assumer les choix, les parenthèses.
Les beaux jours est plein d’élan, filmé par une caméra douce et solaire, balayé d’un vent frais, d’une joie explosive. 
Sexy Laurent Lafitte, vieux garçon au sourire délicieux. Sublime Fanny Ardent, jeune fille aux cheveux blancs.

« -Tu t’es regardée ?
-Non, c’est lui qui me regarde. »

mercredi 23 octobre 2013

Résurrections.

 
Luther - Saison 3

Gyrophares dans la nuit noire. La pluie battante s’abat sur une lourde porte. La lourde porte se lève et jaillit le charisme d’Elba, bras dressés, tenant son combat à poings serrés. Puis une femme.
Clap clap clap… clap…clap. Attaque massive dans le vif, retombée en amour.
L’image claque, envoie, balance toute la tristesse, toute la violence du monde, giclée de terreur sur des couleurs satinées. Et ce cadre, mon coup de cœur. L’œil de la caméra est celui d’un maître impuissant, artiste et voyeur. Ne luttez plus, laissez-vous séduire…

Cette série a du panache. Dans cette saison, chaque épisode vit comme s’il était le dernier, le canon sur la tempe. Votre souffle se coupe parfois, ou vous riez, vous voulez crier à l’injustice et puis Luther le fait pour vous. Des hommes meurent, des femmes meurent, des cœurs se blessent et le mien palpite comme jamais.

--> Critique des Saisons 1 et 2

vendredi 18 octobre 2013

Déconseillé aux femmes enceintes.

Il faut qu'on parle de Kevin - Lionel Shriver - Ed. Belfond

"La violence est tout ce qu'un avion peut faire à un nuage."

C’est avec tristesse que mes yeux s’éternisent sur la dernière page d’ « il faut qu’on parle de Kevin », roman bouleversant de Lionel Shriver. Ne vous y trompez pas, malgré son prénom, l’auteur est une femme et chaque ligne en est la preuve hurlante.

Le roman est une succession de lettres inspirées, qu’Eva, envoie à son mari, après que leur fils a assassiné froidement plusieurs camarades de classes. Elle y retrace, sans autre chronologie que celle du souvenir, son parcours de mère tourmenté par un fils démoniaque. Portant dans ses mots toute la culpabilité du monde, touchant souvent juste avec simplicité, Eva se confond avec l’auteur. Nous entrons dans une forte empathie, voire dans la compassion. Nous souffrons avec elle, ses colères nous mettent le rouge aux joues, ses joies adoucissent nos cœurs. Elle a l’écriture courageuse, de la survie, l’écriture délicate aux mots et comparaisons puissants. Elle a le cran de ne rien étouffer des dialogues éprouvants, des situations rudes ; tout est dit, créant de nombreux malaises et un sentiment de lecture nouveau, curieusement prenant.

Et si, avant de lire ce bijou d’émotion, vous avez vu le film qui en est tiré, vous collerez à chaque personnage le visage de l’excellent acteur qui le joue. Eva hantée par le visage creusé de Tilda Swinton, malmenée par Ezra Miller, froidement pervers, odieux. Le livre a l’avantage d’être plus subtil, plus développé, aidé par ses 600 pages qui vous mènent progressivement vers un final grandiose.

jeudi 17 octobre 2013

L’eau à la bouche.


Kechiche s’attarde sur la vie, sur le réel, s’attarde en gros plan sur les peaux salies d’adolescence. Il s’attache à la bouche gloutonne d’Adèle, trempée de larmes, de morve, de fatigue, fouettée d’orangé, barbouillée de tomate, dévorant un Balisto, un cul, ou les lèvres d’Emma (Léa Seydoux). On filme les corps qui se cherchent, qui se frappent, les mains se baladent dans les creux, sur les rondeurs, les langues se délient –en cascade. Les jambes s’attirent et s’entremêlent, tête-bêche, ça ondule au rythme de cris étouffés, ça se lèche sous une pluie de francs gémissements, ça se teste et soupire. La chorégraphie pornographique est belle, pure, elle n’en finit jamais et comme un voyeur excité, on les accompagne jusqu’à l’orgasme. Comme une obsession, le réalisateur revient sans cesse coucher sa caméra sur les lèvres ouvertes d’Adèle, sur son visage d’enfant, son regard un peu vide, sa vulgaire sensualité. La vie d’Adèle s’étend, dure, comme pour ne jamais lâcher ses deux poupées, son héroïne impressionnante et ce bleu hypnotisant, cette couleur chaude frappant au cœur.

Mais Kechiche en donne trop, les scènes s’allongent, s’offrant à une coupe qui ne vient jamais, ouvrant la voie à quelques fausses notes. Le film reste aussi l’histoire banale d’un amour qui donne tout trop vite et cause sa perte, l’histoire un peu grinçante de deux jeunes filles qui se font prendre au jeu du coup de cœur pour ensuite découvrir la réalité. C’est l’histoire trop longue, trop, trop longue de la découverte d’une sexualité.
Dégoulinant.

samedi 5 octobre 2013

T'as de belles dents, on dirait des perles...


Behind the candelabra est un biopic remarquablement interprété par un duo d’acteurs en parfaite alchimie. Plus qu’une histoire vraie, nous voilà pris dans une histoire d’amour incandescente, dans une histoire de désir, de possession, de réalité, de lassitude. Le film est un morceau de piano joué par deux virtuose, l’un jetant de la poudre aux yeux et l’autre s’en jetant au nez. Ce morceau reviendra vous hanter des bribes de sa mélodie. Mais c’est en vain que vous chercherez ce qu’on voyait entre deux scènes. Vous aurez beau stimuler votre mémoire, vous ne retrouverez pas les moments majeurs du film parce qu’ils sont étouffés entre deux coussins de soie. 

Le cinéma de Soderbergh n’aboutit jamais. Il propose sans cesse de beaux films esthétiques, baignés dans un jaune solaire : sa plume visuelle. Il révèle avec talent de jolies étoiles (dernièrement Rooney Mara, Channing Tatum) et offre un retour par la grande porte à des acteurs éteints (Zeta-Jones et maintenant Douglas, étincelant). Mais en dépit de tous ces efforts remarqués, malgré sa montée progressive en qualité, le réalisateur ne convainc jamais totalement. Jamais écoeuré, mais toujours sur sa faim, le spectateur connaît, avec Soderbergh, de sérieux troubles de l’appétit.

mardi 1 octobre 2013

Sugar baby love.

Sarching for Sugar Man dresse sans longueurs le portrait d'une légende modeste. Ce documentaire plein de style et de tendresse vous emporte, étonne et captive. Son succès en salles, vivant d'heureuses prolongations est grandement mérité et, si vous avez la chance qu'un cinéma près de chez vous offre encore quelques séances résistantes, profitez-en sans doutes, pour l'amour de la musique.