Métachronique

Métachronique

samedi 30 mars 2013

Passer sa tête dans les nuages et sourire au ciel.

Penelope Cruz et Antonio Banderas ouvrent Les Amants Passagers comme un bref prologue qui nous dirait de ne pas s'en faire, que ce film les abandonne -eux et les beautés dramatiques qui font, du cinéma d'Almodovar, un des plus grands- seulement le temps d'un voyage, le temps de s'envoyer dans la légèreté.
Il reviendra nous étonner, mais, en attendant, prenons un peu l'air avec cette comédie rose-bonbon, aux rondeurs sucrées de sexe, aux accents d'humour acidulé, traversée d'un kitsh et d'une folie réjouissants. 


Et si, dans un élan d'indulgence, vous pardonnez sa piètre mise en scène et sa très mauvaise première partie, passez donc quelques minutes Sous Le Figuier, avec la douceur incomparable d'Anne Consigny.


Enfin, vous avez la nostalgie de la qualité dégueulasse de vos vieilles VHS ? Oubliez le magnétoscope du grenier, révisez plutôt l'histoire politique chilienne et courez voir No. Dans un format 4/3 et une image unifiée (pour mieux mêler les archives à la fiction), suivez le beau Gaël dans une passionnante campagne contre la dictature Pinochet. Le film, malgré une sincérité et une modestie touchantes, souffre d'un léger manque de rythme, mais nous emporte dans l'année 88, dans tout ce qu'elle avait de ringard et de force.


mardi 26 mars 2013

1 saison, 3 mois, 2 jours.

 


Sonnez trompettes !
En première ligne de Treme, deuxième (troisième ?) joyau de David Simon, il y a la musique. Elle est interne, habitant la série comme un personnage à part entière ; un silence en deviendrait presque inquiétant. Elle est dans la vie et la mort, dans un verre au début de la nuit, un trombone qui coulisse entre les jambes d’une strip-teaseuse, un violon qui s’élance avec le matin, elle s’écoute fort, le cuivre à vif.
En seconde ligne, l’ouragan Katrina, balayant derrière lui les foyers et les cœurs. Treme est le combat musical de ce berceau culturel qu’est la Nouvelle-Orléans contre l’injustice. Contre une politique menteuse, dégueulasse. Treme est un défilé de couleur dans des rues grises, dévastées.


Comme dans the Wire, les seconds rôles prolifèrent pour ne pas privilégier un homme mais cent, pour toucher au plus près le réalisme, laissant une impression de fourmillement musical et humain. John Goodman y côtoie les légendes du jazz et du rythme and blues ainsi qu’un Wendell Pierce en grande forme. A l’affiche de ce concert en dix épisodes, Allen Toussaint, John Boutté, Elvis Costello, Lucia Micarelli. Glee peut s’en mordre les doigts, Treme est bien la plus belle série musicale à ce jour, mêlant grâce et irrévérence.


dimanche 24 mars 2013

"C’était une pierre de fontaine frottée aux eaux glacées du temps."

- Quelques uns des cent regrets - Philippe Claudel - Folio -

Derrière ce titre intriguant se cache une pépite, un fragment d’or littéraire. L’auteur devient maître de tous nos sens, via d’abondantes descriptions précises, réelles. Nous sommes pris dans l’expérience d’un autre, absorbés par les tournures délicates.

« il me disait, les coquillages, quand ils se blessent dans la mer, pour calmer leur blessure et la guérir, ils font de belles perles tout autour, des perles toutes moirées, de vrais trésors qui possèdent le souvenir, la mémoire de la blessure… Eh bien nous autres les hommes, quand on se blesse, ou qu’on blesse quelqu’un, nos perles à nous, ce sont les regrets, on se fabrique de beaux regrets »

A la mort de sa mère, le narrateur replonge dans son passé, revient dans sa ville natale, inondée. Durant ces quelques jours de mémoire pure, ces quelques jours fragiles, un inconnu nous embarque dans son histoire, dans ses souvenirs. Quelques uns des cent regrets est un livre doux comme un vent de mai.

mercredi 20 mars 2013

Mauvaise conduite.

 
Une caméra suivant Ryan Gosling... joli jeu de lumières sur ses mèches blondes... l’image est belle. Le film s’ouvre sur une impression de déjà-vu, mais là s’arrête la comparaison.
Après l’imbuvable Blue Valentine, dont les flagrants défauts avaient inexplicablement séduit la critique, Derek Cianfrance recycle son scénario et son acteur fétiche pour un The place beyond the pines plus original, mais pas plus réussi.

Comme dans Blue Valentine, le temps passe sur l’histoire (mais vraisemblablement pas sur les personnages qui, en 15 ans, ne prennent pas une ride). Nous lisons un livre en trois chapitres où, de l’un à l’autre, Gosling, Cooper puis DeHaan se passent le relais. Mais ce procédé ne sert qu’à l’illustration simpliste et clichée de la destinée. C’est un livre beaucoup trop long et l’histoire que l’on nous raconte est farcie de ridicule et d’improbabilités.

Gosling fait du Gosling et c’en devient presque ridicule. Il est aussi mauvais que sale, sale comme tous les personnages, salis par la simple crasse, par le cambouis ou par la honte, par le remords, salis par les coups ou par la tristesse. Aucun ne peut sortir de ce cycle de déchéance, Cianfrance les y emprisonne comme des souris de laboratoire, courant à toute vitesse dans leur roue infernale. 


samedi 16 mars 2013

La sage montre la Lune...

Jaoui et Bacri sont d’excellents conteurs. De leurs voix, identifiables entre mille, ils nous portent dans cette petite mignardise, avec un humour propre, un décalage nostalgique. Mais Agathe Bonitzer, grand méchant loup déguisé en princesse, dévore toute l’énergie, toute la beauté d’au bout du conte. Elle est cette fille comme il y en a trop, cette fille comme on a pu être, ne sachant saisir ni la vie, ni les autres.


Dans ce film, il y a du bon et du mauvais, un peu comme en nous, tout conte fait !

vendredi 15 mars 2013

« Rien ne serait jamais juste, gratuit, indolore ou permanent. »


Blast - Grasse carcasse (T1), L'apocalypse selon St Jacky (T2), La tête la première (T3)
Manu Larcenet

Nous entrons la tête la première dans ce triptyque. Chaque volet est une œuvre d’écriture terriblement sensible et puissante. De l’encre diluée entre deux traits fins ; la nature, dans tout ce qu’elle a d’inquiétant, regards menaçants d’oiseaux perchés et immobiles ; des taches éclatées d’eau et de noir, des taches de sang ou de chocolat en nuances de gris, éclaboussées. Et soudain, nous sommes capturés dans le Blast, dans cette caverne aérienne aux murs colorés de fresques enfantines. 

"L'expérience de la liberté est difficile et dangereuse. Elle impose de s'oublier et de s'affranchir de la société des hommes. Rares sont ceux qui résistent à la révolution intime qui résulte de ce sacrifice."


Plus qu’un interrogatoire en trois tomes, Blast est un constat. C’est un homme qui raconte son histoire, avec en lui, gonflante, une humanité en révolte. C’est le cheminement d’un récit balisé de majestueuses statues maories, le récit d’un fou dans un monde contradictoire.

"Hypocrite époque qui exalte les modifications corporelles douloureuses... souffrir pour maigrir, se muscler la viande ou s'affermir le croupion... se tatouer, se percer, se gonfler de plastique, se faire drainer la graisse comme on vide une fosse septique, se faire charcuter le nez, les joues, les lèvres, les mamelles, les complexes... mais dès qu'on exprime le désir de se modifier l'esprit, surtout au travers d'une délicieuse ivresse, on devient un méprisable déséquilibré."


Le premier tome étonne, surprend surtout. Nos yeux se retrouvent face à une poésie rare, boueuse, écorchée. Le dessin est porteur d’une forte émotion, soutenue par les dialogues ou les descriptions. Ce premier tome est un bijou crasseux. Les deux suivants sont plus noirs, plus narratifs, mais chacun recèle de pépites fragiles. Et les volets se referment sur une fin magistrale, marquante et subtile.

jeudi 14 mars 2013

Not a girl, not yet a woman.

 Spring breakers n’a pas tenu sa promesse. Korine tenait entre ses mains deux princesses Disney prêtes à tout pour casser leur image trop sage, mais leur fourrer des gros calibres dans les bras et les mouler dans des bikinis n’est pas suffisant. Criblé d’incohérences, ce clip répétitif à la plastique irréprochable se perd malheureusement dans un vomissement d’images provoc’. Le montage est redondant et illustratif, le film est incessamment entrecoupé de fesses brunes d’adolescentes ou de rails de coke sur une paire de seins, rythmé par la musique omniprésente et souvent nauséeuse de Skrillex. Cette grosse fiesta de plagistes alcoolique manque de désespoir et de profondeur. Quelques scènes brillent pourtant, brèves étincelles, des scènes d’une violence sublime –inspirée. 


samedi 9 mars 2013

Heureux les oublieux!


A la merveille est un escalier interminable. Monter les marches… Devant vous, la même personne, le même visage –toujours, qui vous observe par dessus son épaule, qui vous sème… Monter les marches… Vous la rattrapez, elle rit, s’éparpille en enfantillages –toujours, un jeu du chat et de la souris. Vous vous essoufflez, lassé de cette monotonie en escalade. Monter les marches… derrière la merveille.
Mallick, avec sa caméra virevoltante, capture Olga Kurylenko sous tous les angles, la caméra danse autour de ses bras déployés, autour de ses cheveux fous, le long de ses joues lisses, de des jambes fines. Mais de trop la voir, de la subir ainsi, elle en devient antipathique et son jeu puéril et pathétique nous éclate au visage. 

Nous sommes coincés au beau milieu d’un film d’amoureux, d’un cinéaste amoureux qui en oublie ses autres acteurs, laissant Ben Affleck en bord cadre constant, s’évanouissant dans les coins d’écran. Le pauvre homme peut compter sur les doigts d’une main la totalité de ses répliques, et nous les poses béates ou impassibles qu’il adopte lors de ses rares apparitions. Rachel McAdams n’est qu’une figurante, une douce et banale figurante. Un cheval docile qui passe avant de s’enfuir au galop. Javier Bardem semble être le prétexte au mysticisme religieux déjà omniprésent dans the tree of life, et ici déplacé et insignifiant.
Seule Olga s'élance, rit, pleure, seule Olga s’étend sous nos yeux exaspérés. Lui courir après. L’enlacer. S’en lasser et dégringoler les marches… de la merveille.

lundi 4 mars 2013

Ennui Royal

Bill Murray encadré dans une image symétrique…

Pourquoi Wes Anderson s’embourbe-t-il dans le tourbillon insipide de l’histoire vraie ? Parce que ce Week-end Royal n’est pas du Wes Anderson –malheureusement pour nous.
Cette partie de campagne est polluée d’une voix-off inutile et le film souffre d’une mollesse lassante. Quel ennui ! C’est un massacre du rythme, un crime scénaristique.
L’histoire est centrée sur l’amourette pathétique et poussive du président Roosevelt avec sa lointaine cousine. Mais cette romance pudique ne porte aucune joie et lâche son dernier souffle dans un champ de fleurs. Le film manque d’assaisonnement, de piment, d’humour surtout, et ce ne sont pas quelques hot-dogs polémiques et redondants qui nous arracheront un sourire.
Quand le cinéma rime avec perte de temps, on regrette alors qu’il entraîne dans sa chute des acteurs aussi talentueux.