Métachronique

Métachronique

mardi 30 avril 2013

RIEN QUE POUR VOS YEUX

 
Chaque plan de Tron : Legacy est une case de roman graphique, Kosinski est un véritable artiste de l’image. Comme pour Oblivion, il faut en oublier le scénario et ouvrir ses yeux d’enfant spectateur. Tron régale de son ambiance futuro-kitsch. 
Amusez-vous des répliques ringardes d’un héros parlant seul à la caméra, un frisbee phosphorescent sur le dos. Emerveillez-vous de ce cinéma visuel, de cette geekerie orchestrée par de petits prodiges électroniques et casqués. Gavez-vous de la beauté des poursuites, de l’ineffable d’un lever de soleil, et de ce cochon affalé sur la table d’un dîner polémique. Gavez-vous de la beauté et oubliez le reste, Tron est une œuvre qui se dévore avec les yeux et les oreilles, pas avec le cerveau.

samedi 20 avril 2013

Sexy dance (et autres drogues).

Après Passion, le remake inattendu de De Palma, la manipulation médica-menteuse semble séduire les vieux cinéastes en manque d'inspiration. 
Moins ambiancé mais plus captivant, Effets secondaires surpasse Passion.

Non pas sur la technique, arme infaillible du maître Brian, mais plutôt sur le scénario et la mise en scène. Rooney Mara est exquise et ambiguë, Jude Law est impliqué, Tatum garde de sa mâche inégalable et Zeta-Jones assure un come-back des plus savoureux.
Pas de quoi s'emballer pourtant, ni extase ni grand spectacle, juste une petite pilule avalée sans peine, diffusant son effet un jour ou deux durant, puis s'effaçant en nous jusqu'à l'oubli.


Le nez coincé entre deux fesses rebondies, les yeux scotchés sur les lignes fuyantes de torses suggestifs, avalanche de muscles bandés, Magic Mike est un ravissement. Aucun comprimé ne gommera de notre mémoire la vision libidineuse de ces corps ondulant sans cesse.

i-tom

Juste pour voir Tom au bout d'une corde, harnaché, en descente habile vers le danger. Pour le travail de l'image et du son, grandioses, et la beauté des ruines post-apocalyptiques.
Certainement pas pour Olga qui ne sait décidément que parader autour d'icônes viriles hollywoodiennes, la bouche en cœur, la larme parfaite. Sûrement plus pour ceux qui gardent en eux la naïveté et sont surpris au moindre twist, que pour les inconditionnels de SF sans faille, les exigeants, les pointilleux, les adultes. Oblivion est un film pour les âmes d'enfant, ces yeux qui s'écarquillent, ces oreilles qui écoutent. Pour celui qui, tout entier, est spectateur, actif, vibrant aux tremblements, aux coups, aux baisers. 


Oblivion est une lettre d'amour sur-esthétique à l'humain.

vendredi 19 avril 2013

Portraits d'équilibristes sur cordes vocales...


La maison de la radio est une observation, une intrusion feutrée dans le lieu de l'invisible. Les voix caressent, irritent, amusent, devant les micros bienveillants de journalistes passionnés. Il règne une tendre intimité, on y parle posément, en murmures ou confidences.

Ce documentaire a un goût de madeleine, celle de Proust, celles de la saucisse-purée du mercredi avec les ding ding ding du jeu des mille francs, celle de la voix chaude de Pascale Clark et des longs trajets en voiture. 
Teinté d'une émouvante nostalgie et d'une pudeur rare, ponctué d'entretiens atypiques, décalés, La maison de la radio nous prouve que le lieu porte son nom, la maison, une grande maison où ça vit à chaque heure, dans la lumière du jour ou l'obscurité insomniaque. 
Courez vous-y réfugier.

mardi 16 avril 2013

"Dans la vie réelle il n'y a pas ces demi-tours éperdus, non, dans la vie réelle on ne revient pas."

 
 
Une femme. Son homme fantôme. Un répondeur. Calais-Paris. Ce n'est pas un adultère, c'est une aventure. En une journée, elle en aura presque aimé un autre, elle aimera ses bras, les sourcils épais qui bordent ses yeux tristes. Emmanuelle Devos est Alix, quarante ans, ne pouvant retenir en elle ni les choses, ni la vie. Elle déborde. Alors quel meilleur refuge que le plaisir?

Elle ne sait pas très bien pourquoi, mais elle fait durer, durer encore ce moment interdit, jusqu'à la fin, inévitable de justesse. D'une lenteur subtile, le temps de l'aventure sait porter son titre, il ne s'étire pas plus loin que cette escapade romantique, il est un instant, une histoire, avec un début en majuscule et un point final.

lundi 15 avril 2013

TAKE A WALK ON THE WILDE SIDE

Teleny - Oscar Wilde 
Un aristocrate s'éprend d'un célèbre pianiste, 
mais leur relation va se heurter à l'Angleterre et sa bêtise.


Teleny se lit comme progresse une relation amoureuse. D'abord un battement de cœur un peu plus bondissant qu'un autre puis des regards, des mains qui se découvrent -baisers de l'âme. Et nous voilà les doigts pianotant entre les jambes, "le clitoris déjà mouillé de pleurs". Ce recueil d'émotions caresse les esprits dans le sens du vice.

Si les voluptés auxquelles s'attache Oscar Wilde sont échangées par deux hommes, elles n'en sont pas moins universelles, touchant à un sujet qui ne s'est jamais autant manifesté qu'aujourd'hui : la condition homosexuelle au regard de la société. Difficile d'admettre qu'en presque deux siècles, les mentalités n'ont pas tant évolué, malgré ces petites beautés littéraires. "Par le fait, si notre union avait été bénie par l'Eglise, elle n'eût pas été plus intime."

Si Wilde n'a pas l'art de la langue sodomite de Sade ou l'écriture "éjaculatoire" de Miller, s'il n'a pas la finesse érotique de Nin ou la subtilité de Laclos, il sait pourtant éveiller l'envie, chatouiller la libido avec des mots simples et de claires comparaisons. Et le désir monte alors "comme du mercure dans le tube du thermomètre."

Ce livre est un doux péché à lire le rose aux joues, et "le péché, dit-il, est la seule chose qui vaille que l'on s'attache à la vie." C'est une petite gourmandise à ressortir durant les beaux jours d'été, quand les corps suintent et se collent, se trempent. C'est un plaisir coupable à relire quand le désir prend la fuite. 

Je finirai par une courte et sage leçon, vous expliquant pourquoi ma critique ne pouvait être que positive, car "ce ne sont pas les railleries qui font dresser les phallus."

mercredi 10 avril 2013

Excommunication.


Community était souveraine. Un culte immense s’édifiait autour de cette série ultra-référencée, parodique, parfois épique, toujours drôle. Dan Harmon avait créé une gourmandise extraterrestre, en enfermant sept protagonistes stéréotypés entre les quatre murs d’un community college. Là tenait toute la force de la série : développer un microcosme de folie, sans autre paysage qu’une salle d’étude ou une cafétéria.
Mais Dan Harmon a perdu son royaume et deux jeunes princes idiots, David Guarascio et Moses Port, se partagent maintenant le trône sacré de la saison 4.


Exportant Annie, Jeff, Britta, Abed, Troy, Shirley et Pierce dans la vie « vraie », au-delà des frontières érigées par l’ancien créateur et show-runner, ils ont saccagé l’esprit de Community. Les dialogues ont perdu de leur subtilité et de leur drôlerie, d’allusions et de culture. La dernière saison ne vaut rien, ne dit rien, elle ne fait qu’enterrer le génie d’Harmon six pieds sous terre. Il est des œuvres auxquelles on ne doit toucher.

samedi 6 avril 2013

"Le paroxysme, le comble de la joie, ce n'est pas lorsque l'esprit domine, mais au contraire lorsque nous perdons l'esprit -et vous et moi le perdons de la même manière, par l'amour."



Il y a quelque chose de fascinant dans Perfect Mothers, une tension malsaine habillée de pudeur. Ces deux mères (effectivement parfaites Naomi Watts et Robin Wright) sont tiraillées entre un presque-inceste excitant, joyeux, incompris et la raison, l’implacable raison. Il flotte, tout le long, une atmosphère magnétique, presque lancinante, mais jamais ennuyeuse. Ni moralisateur, ni provoquant, le film touche juste, là où chacun de nous a un cœur qui bat et une conscience qui souffre.