Métachronique

Métachronique

lundi 26 août 2013

Humiliation sur musique légère.


L’important n’est pas le concours, Keep Smiling n’est pas un défilé de Miss Géorgie. L’important se trouve dans les coulisses de cette élection de la Meilleure Maman. Dans les coulisses, des cœurs se brisent, des âmes se perdent, des volontés s’affirment, sont réprimées, puis meurent sous la menace. Dans les coulisses, la comédie tourne en drame, le drame est tourné en dérision, la dérision devient cruelle. Le film prend aux tripes, vous agrippe, relâche soudain dans un éclat de rire, et vous voilà les larmes aux yeux. Changements de ton habiles. Toutes ces femmes subissent leur situation avec courage et solidarité, jusqu’au grand final, dramatiquement virtuose.                Rideau.

 

dimanche 25 août 2013

Science-frisson




Alien : Le huitième passager - Alien : La résurrection

Un vaisseau entre doucement dans le champ, mon respect est forcé. Personne mieux que Ridley Scott ne filme les traversées de vaisseaux. L’engin mécanique se fait  charismatique, il prend son temps, La Toute Puissance.
S’en suit la découverte minutieuse du monstre, soudain il vous saute au visage, s’enroule autour de votre cou pour serrer votre gorge, la nouer de frayeur. Et l’ennemi se fait félin, s’adonnant à un cache-cache royalement orchestré. La frousse joue avec la SF. Le suspense est géré de main de maître.
Puis Ripley se dévoile, femme de caractère, survivante, animale, tandis que les hommes tombent un à un.
Alien : le 8ème passager est le premier d’une série inégale et pourtant un des plus impressionnant dans ses effets spéciaux, dans ses décors et dans l’action. Ce monstrueux film dont accouche Ridley Scott est un enfant étranger ; l’horreur s’est insinuée dans les entrailles de la science-fiction pour faire éclore un film inédit et culte.


Pourquoi, sur mon podium, j’ai placé Alien : la résurrection, objet singulier de la saga, juste sous son ancêtre fondateur ?
Parce que Jeunet, extraterrestre du cinéma français, s’est approprié le fond pour lui donner sa forme. Du futur aseptisé de Scott, maladroit de Cameron, moite de Fincher, nous passons à un futur poussiéreux, presque obsolète. L’esthétique d’Alien passe au miroir déformant ; les points de vue grattent, démangent, dérangent. Tous ces visages en contre-plongée flottent dans une atmosphère jaunâtre comme des organes en bocaux. Les gros plans poissonneux, ronds, sont inquiétants, ils insufflent à ce (presque) dernier volet une ambiance de laboratoire, d’un cabinet de curiosités.
Le scénario est plus fin, les dialogues moins primaires, drôles. Les acteurs sont impeccables : Pinon en infirme petit bagarreur, Winona Rider froide, robotiquement lisse et délicieusement humaine, Ron Pearlman rugueux téméraire, et Weaver, plus femme et pourtant plus couillue.


Ripley devient la mère de ce qu’elle veut détruire, de son enfant incestueux. La relation entre elle et le monstre est plus ambiguë, plus charnelle ; de fascinée elle devient l’objet de la fascination. Elle devient elle-même le corps étranger, le monstre, à l’image de Jeunet qui, dans ce vaste pays de la grosse production –dans l’Amérique cinématographique, est l’Alien dont auront peur les fans inconditionnels de la série, sur lequel ils cracheront parce qu’il est différemment plus fou, parce qu’il a tenté le tout pour le tout. Pourtant, quelle belle résurrection !

vendredi 16 août 2013

The Purge (Amercian Nightmare)


Il y avait de l'idée, il y avait Ethan Hawke, il y avait un joli budget et puis l'écroulement de toutes ces belles promesses. Une nuit pour flinguer le suspense, pour descendre l'action, tuer une mise en scène et occire un scénario à grands coups de ridicule. Mal orientée, cette histoire se perd dans une voie douteuse, ne tient plus la route, on n'y croit plus. Mal filmée, la tension vacille près du niveau zéro. Ce qui aurait pu être un bijou de violence et d'irrévérence ne s'avère être, à la lumière de la raison, qu'un produit en toc pour la masse consommatrice de facilité.

mercredi 14 août 2013

Damoniaque.

 
Je me suis pris une claque en marche arrière.

D’abord, je suis montée à bord d’Elysium, deuxième bijou SF de Neill Blomkamp, entré directement dans mon podium de tête des blockubusters 2013, après le sublime Oblivion et le très visuel Pacific Rim. J’ai capitulé face à Matt Damon et son exosquelette vissé à l’os. J’ai été subjuguée par cette action à ciel ouvert, par ces décors de Terre surpeuplée, poussiéreuse et malade. J’ai été happée par le rythme et ma jouissance fut malheureusement freinée parfois par la caméra tremblante, occultant l’action. Mais quel talent et quel réalisme ! Voilà la force de Blomkamp : tout est improbable mais palpable, nous sommes au 21ème siècle et un tel bordel terrestre au cinéma n’a jamais paru aussi crédible.




Et, curieuse, j’ai mis les pieds puis mon être tout entier dans District 9, documenteur sur une invasion de crevettes géantes, plus vraies que nature en Afrique du sud. Ce film est renversant, l’expérience est unique ! Je n’écrirais pas avec emphase sur le rythme prenant, sur l’incroyable immersion dans laquelle nous plonge Blomkamp, sur la beauté vraie de l’image et le délice de la réalisation. C’est une claque, littéralement, un réveil cinématographique. Ce film est d’une force inimitable, le scénario est impeccable ; voilà un petit génie à suivre et Jackson l’avait bien compris !

vendredi 9 août 2013

Envole-moi !

 
Il y avait Denzel en pilote alcoolique au nez poudré, dirigeant comme un dieu un avion en pièces. Il était un héros qu’on aurait surpris la bouche au goulot. Et s’il savait relever un vieil engin d’une chute à pic, prendre les manettes de sa vie semblait une affaire plus délicate.
Il y avait une rouquine paumée, camée qui, les pieds sur terre, voulait ramener le héros à la raison. Il y avait John Goodman –heureusement, bonhomme déglingué, qui offrirait au film un peu de légèreté. Et il y avait Dieu ; celui-là ne peut vraiment pas s’empêcher de fourrer son nez partout où il n’est pas le bienvenu !

Avant que les bondieuseries s’en mêlent, Flight nous présentait un personnage complexe, un héros-enfoiré, un alcoolique mis en joue par le gros fusil de la justice (excellente Melissa Leo). Puis il s’est sevré, puis il a bu jurant que ce n’était pas vrai, et de bières en vodkas il s’est enlisé dans un sombre mensonge. Cette partie du film a son intérêt, le personnage combine fragilité et violence, toutes deux si humaines. Là, nous sommes pris.
Et soudain –rayonnement divin, vient l’heure de la Rédemption, portée par un ange roux piqué d’une bonne étoile. Kelly Reilly a l’œil vide, un charme boiteux, inutile personnage. Avec elle, viennent les bons sentiments, les prières et l’ennui. Si le décollage est réussi, l’atterrissage est, quand à lui, plus mitigé. 

Il était une histoire de chute, de rechutes, et de notre attention faisant des loopings.

Filles perdues, cheveux gras.

 
Elle oscille entre fraîcheur et exaspération, Frances Ha, elle fait virevolter nos avis en un mouvement de bras, en un mouvement débile de son corps malhabile. Elle est une Lena Dunham moins narcissique ; le film est un épisode de Girls en noir et blanc, sans le sexe répugnant, où la fin optimiste laisse entrevoir un espoir pour cette jeunesse new-yorkaise paumée, pour cette jeunesse artiste tant haie (et à raison) dans laquelle évolue Frances, sans jamais vraiment en prendre part. Elle est l’exception. Elle est l’humain, fainéant, sensible, coupable. Elle est déraisonnable et s’en lèche les doigts avec gourmandise, honteuse et fière à la fois. Et nous, au milieu de tout ça, on se demande ce qu’on fait là, avant de se rappeler que ce n’est pas la vie, mais le cinéma.