Métachronique

Métachronique

jeudi 28 novembre 2013

La France a un incroyable talent.

Les garçons et Guillaume (et Diane, s'il te plait...), à table !
 
Guillaume Gallienne est derrière la caméra, mais aussi sur le devant de la scène. Il écrit, réalise, joue les deux rôles majeurs du film. Mais, plus omniprésentes encore que lui à l’écran, il y a les femmes. Vous, les femmes, nous les femmes, jamais aussi bien représentées, aussi belles, aussi sacrées que dans ce film sensible et terriblement drôle. 
Gallienne a l’art de l’écriture, de la tournure et un sens de l’humour ravageur. J’ai secoué la rangée de mes éclats de rire et j’en aurais pleuré tant c’était bon (et femme qui rit…). Merde, que c’était intelligent ! Diable, que Diane Kruger était… généreuse ! Merci, Guillaume Gallienne, de prouver une bonne fois pour toutes qu’il existe encore un cinéma modeste, brillant et divertissant. G. Canet, D. Boon, A. Kechiche, prenez-en donc de la graine, sortez vos petits mouchoirs et pleurez de n’être que des ânes prétentieux aux trop longues oreilles.

lundi 25 novembre 2013

Don't do the jobs.

 
Le biopic induit-il l’académisme lassant ?
Je vous propose une critique, basée sur l’insipide Jobs de Joshua Micheal Stern, tentative désespérante de faire du Fincher sans en avoir ni la consistance, ni la virtuosité cinématographique. Jobs est une pâle copie de Social Network, aseptisée et gonflante. Un piano qui dégouline sur des poils qu’on dégage sur un coup de tête, Kutcher correct mais sans éclat, un scénario chronologique bien trop normal ; rien ne parvient à sortir ce film de la banalité. La réalisation est esthétique mais sans intérêt, trop lisse sans l’être assez, trop blanche sans oser plonger les mains dans la merde de la vie vraie. Jobs se voulait-il audacieux ? L’échec est cuisant. Le spectateur décroche en 10 minutes, Iphone en main. 

dimanche 24 novembre 2013

Dédales.

 
Ils sont tous prisonniers, d’un kidnappeur, d’une idée fixe, d’un mal-être. Villeneuve a enfermé tous ses personnages, en eux, sous terre, entre quatre murs. Ils disparaissent petit à petit de l’écran pour laisser place à un flic qui en veut. Il prend son temps, Gyllenhaal, pour mener son enquête, emmêlé dans les filets des tourments humains. L’acteur brille malgré le terne de l’atmosphère. Humide et froide, c’est une ambiance qui vous prend à la gorge, un suspense qui vous prend aux tripes. Et lui, il est la chaleur, la détermination, il est la lueur quand l’espoir s’éteint sous terre. 
L’histoire évolue à un rythme tranquille, sans lâcher pourtant notre attention. Le montage très classique manque peut-être d’un soupçon d’audace, mais renforce l’impuissance de chacun face à la situation et marque l’embourbement de l’enquête.  Le temps passe doucement et, angoissant, il abîme les personnages de dépression, de culpabilité, de violence.
Prisoners est aussi rude, aussi éprouvant qu’un voyage en camping-car. Il secoue, retourne le cœur tandis que le chemin capte notre regard jusqu’à l’arrivée.

dimanche 17 novembre 2013

Rencontres du troisième type.

 Les rencontres d'après-minuit

 Quelle imposture !
Tout commençait à peu près bien sur l’électrique froid de M83. L’atmosphère est installée : des dialogues franchement drôles qu’on aurait pu croire décalés, Béatrice Dalle fouet au poing et Cantona au repos. Puis tout ce petit monde se perd dans une partouze de souvenirs kitschs et mal joués (Niels Schneider en tête). On se retrouve, on ne sait pourquoi, dans un décor immonde de film érotique en cotte de mailles. Ces va-et-vient sans subtilité sont gerbants de mauvais goût. Puis on monte crescendo dans l’imbuvable, jusqu’à l’orgasme simulé au lever du soleil. Fuyez !

Cinéma par balles : Il faut sauver le soldat Ryan.

Ce film, on ne le présente plus. Il a fait assez de bruit quand nous n’étions encore que des adolescents. Après les 3 zéros français de l’été 1998, voilà les huit héros de juin 1944.


Le cinéma de Spielberg est d’une virtuosité qu’on ne peut lui enlever. Filmer l’horreur avec tant de panache, tant de beauté, tant de précision, voilà qui relève du talent. Oublions un instant les prières d’un sniper, la foi des soldats et le drapeau étoilé flottant dans le cadre, dynamitons le patriotisme écoeurant d’un cinéaste pourtant malin et prenons-en plein les yeux et les oreilles, prenons-en plein le cœur.
Les 30 premières minutes à couper le souffle sont balayées par les vagues carmin d’un massacre à se tordre de douleur. La mer, comme un lourd rideau rouge, se referme sur cette introduction inoubliable. Fin de l’acte. Début d’un périple assassin, jalonné de suspense et d’action, jusqu’à découvrir enfin la peau délicate de Damon et son sourire meurtri. Puis pleuvent la rage et la peur dans un final explosif.

Cette fratrie d’hommes en pièces, partant à contrecœur à la recherche de Ryan, est d’une poésie détonante. La solidarité fragile de ces soldats de plomb est parfaitement mise en scène et la caméra les suit, professionnelle, toujours au bon endroit pour ne jamais sauter. Elle slalome entre les mines et les grenades, rend spectaculaire cette fresque sanglante de l’histoire.
De la grosse artillerie.

Dessine-moi un dino...

« 169 révélations fondamentales permettant aux imbéciles 
d’appréhender le monde avec un minimum de sérieux. »

Edité par les rêveurs, Peu de gens savent relève effectivement du songe. Larcenet recueille 169 infos absurdes, illustrées de sacs de nœuds noirs et de touches colorées. A lire de temps en temps avec délice ou à dévorer d’une traite, Peu de gens savent est une encyclopédie inédite d’humour noir et d’imagination folle. Ce gros livre est bourré de créativité, vide de toute convenance, ce gros livre est libre.

Une citation sera plus parlante que mille de mes mots :

Peu de gens savent que le jambon fumé est l’œuvre de Dieu. Jésus entra dans le Temple le jour du Sabbat. Il s’assit pour faire la lecture et on lui remit la Sainte Tranche de Jambon Fumé du prophète Esaïe. L’ayant déroulée, il trouva l’endroit où il était écrit à l’aide de petits morceaux de saindoux blanc : « L’Esprit du Seigneur est sur moi car il m’a oint de couenne pour annoncer la bonne nouvelle aux pauvres affamés. Il m’a envoyé pour faire péter le jambon fumé à ceux qui ont le cœur brisé. » Puis Jésus déchira la Sainte Tranche de Jambon Fumé, en donna un petit bout à Jean, un petit bout à Pierre, un à Marc, un à Luc. Puis il dit à Judas : « En vérité, toi, tu peux toujours courir. » Et il ajouta : « Je suis le Jambon Fumé vivant qui est descendu du ciel. Si quelqu’un mange de ce Jambon Fumé, il vivra éternellement ; et le Jambon Fumé que je donnerai, c’est ma chair, que je donnerai pour la vie du monde. » C’est pas moi qui l’invente, c’est dans l’Evangile selon saint Jean-Jacques le Charcutier.

dimanche 10 novembre 2013

La première vie de Llewyn Davis.

Dans ma cervelle se promène
Ainsi qu'en son appartement,
Un beau chat, fort, doux et charmant.
Quand il miaule, on l'entend à peine,

Tant son timbre est tendre et discret ;
Mais que sa voix s'apaise ou gronde,
Elle est toujours riche et profonde.
C'est là son charme et son secret.



Les frères Coen reviennent (encore !) dans les salles obscures avec une promenade dans les bras d’un chanteur folk en mal de succès.
Inside Llewyn Davis est une gentille chansonnette, le poème d’une époque aux voix désaccordées. Les yeux clignent à Dave Van Ronk, Peter, Paul and Mary, c’est joli ou drôle, c’est une fresque en col roulé de la scène folk d’avant Dylan.
Le film ne manque ni de tendresse ni d’humour, mais après Oh Boy, Frances Ah et autres exclamations, coller au train d’un paumé et le suivre dans son périple contre les attentes de la société n’a plus rien d’exotique ni d’original. Nous avons déjà vu mille fois Carey Mulligan assombrir le tableau avec sa mine désolée sous une frange dégueulasse, nous avons vu mille fois John Goodman sauver quelques scènes avec sa gouaille inimitable, nous avons vu mille fois ces plans feutrés de bar enfumé. Si les dialogues perchés sont de qualité, l’histoire ne vole pas vraiment plus haut que celle de Gravity, sur laquelle il fait bon cogner.

samedi 2 novembre 2013

Nausées matinales.


Violé par le misérabilisme, engrossé par le malheur. Lee Daniels sème sa petite graine de pathétique obèse et le spectateur ne peut que subir l'accouchement douloureux à l'écran de cette gosse aux rêves et aux problèmes démesurés. Elle est noire et grosse, analphabète, violentée par sa mère et, cerise sur la vie de merde, violée par son père qui lui a fait deux enfants. Precious, c'est du too much, c'est un film éprouvant qui nous enlève, nous prend en otage, voudrait nous soutirer des émotions qui ne viennent jamais. Enfin relâchés, nous préfèrerons oublier cet épisode difficile et passer à du vrai cinéma.