Métachronique

Métachronique

jeudi 27 décembre 2012

Un p'tit coin d'paradis...


C’est un hymne à la musique, l’éloge léchée de ces sons qui font nos vies, qui font battre nos cœurs et bondir nos souvenirs. Café de Flore est le chassé-croisé de deux époques traversées par un même air, de deux pays aux âmes jumelles. Café de flore raconte la douleur d’une mère qui ne peut laisser s’envoler son garçon amoureux et d’une ex-femme qui ne sait voir partir son seul amour avec une jolie rose.
Café de Flore est un poème sexy, aux dialogues dénudés, sensibles, écrits sur des peaux lactées, frôlées par la fraîcheur québécoise.
Epris du son, Vallée l’enlace, le fait virevolter, doux, survolté, il le travaille au corps jusqu’à l’eargasm. Le film est un long mix, monté par un DJ talentueux, un DJ jouant des images comme d’un orchestre. Vallée est la baguette magique qui transforme le film en œuvre.

mercredi 19 décembre 2012

Les Maux de Hurlevent.


Le cinéma d’Andrea Arnold est franc et sensible. Après le bouleversant Fish Tank, elle adapte le classique des Hauts de Hurlevent, le traîne dans la boue et nous livre cette romance crasseuse et bestiale dans une longue caresse, nous plonge dans une tension amoureuse et charnelle. Arnold fait parler ses images, fait crier les regards, et ce film contemplatif en dit long avec si peu de dialogues. Le travail du son est remarquable, un chant fébrile remplace la musique, les respirations de l’humain et de la nature soufflent sur cet amour suffocant. Le parti pris esthétique est bouleversant. Gros plans des mèches battant la nuque terreuse de Catherine, une main d’ébène longeant le flanc blanc nuageux d’un cheval au pas.
Fort d’une puissance contemplative, Wuthering Heights souffre pourtant de cette histoire d’amour lassante et voyeuse, de cette passion lamentable et destructrice. Les personnages sont mal vieillis, la jeune Catherine, Shannon Beer, aux paumettes saillantes et aux petits yeux malicieux s’anorexise en Kaya Scodelario, squelette au nez retroussé. Mais étrangement, nous sommes pris dans cette romance gadoueuse, entraînés par la puissance des sentiments exprimés et les points de vue adoptés.

Laissez la rosée se poser sur vos yeux fatigués, et savourez l’éclosion de cette réalisatrice audacieuse. Entrez avec patience dans ce film brumeux, traitez avec délicatesse cet objet cinématographique sensible, laissez-vous porter par les vents hurlants de cette plaine humide.

mardi 18 décembre 2012

I am proud to be a screw up.

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Skins, peinture d’une génération aux personnages-étiquettes, qui ne savent se définir autrement que par la caricature. Skins fait dans le trash frimeur, drogue et rébellion, chaque saison a son lot de gays, d’amoureux populaires, de fous, d’étrangers bariolés, d’introvertis, de junkies ou de fils à papa.

Le concept était séduisant : toutes les deux saisons, la génération suivante prend le relais. Mais tous ces caractères antipathiques et égoïstes, toute cette peinture baveuse de la jeunesse est à vomir de bêtise. Plus les saisons passent, plus c’en est mauvais. Qu’ils ressuscitent Chris ou qu’ils mettent un terme à cette orgie immature.

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Misfits possède tout ce qu’il manquait à Skins : un scénariste. Une plume capable d’écrire un discours final aussi délirant et juste que celui de Nathan, capable d’inventer des dialogues insolites et des situations improbables. Misfits sait se renouveler, dénicher des perles anglaises pour briller à chaque saison. Tous les acteurs incarnent leur rôle avec force, ils sont frais, ils sont juste excellents. En plus de leur humour cynique, de leurs réparties cinglantes balancées avec un accent anglais délicieux, chaque petit héros en combinaison orange est sympathique. Contrairement à Skins, où tous sont plus haïssables les uns que les autres, ici on s’attache, on se lie à eux parce que, malgré leurs pouvoirs insensés, ils sont humains, sincères.

Il est judicieux de n’avoir pas utilisé ces pouvoirs comme un point central de la série, mais plutôt de les avoir intégrés comme des tares, des handicaps, ou bien comme une routine, et de s’en moquer avec finesse.

Le dernier épisode de la saison 4 semble pourtant à bout de souffle. Et même si rien ne peut égaler l’inoubliable envolée de Nathan sur le toit du monde, ni les meurtres lactés, un petit effort scénaristique aurait pu redorer l’image de Misfits auprès des fans déçus.


samedi 15 décembre 2012

Keira, méduse ravageuse.






Anna Karenine est un spectacle minutieusement découpé, une valse d’images, où chaque temps est une surprise visuelle. Le film s’ouvre sur un théâtre et s’étend sur une scène mouvante, les décors s’abattent. Tous les personnages se frôlent, s’évitent, s’épient au travers de rideaux, entre deux pans et quelques cordes. Cinéma virevoltant et créatif, c’est un Moulin Rouge qui déchante, où chaque pas, chaque mouvement est une danse. Mais plus le film avance, plus il quitte la scène et ses machineries. Les décors se font plus vrais et vastes, palpables, et le rythme se perd dans les grandes étendues. On reçoit alors, en claque violente, le jeu trop moyen des acteurs jusqu’ici dissimulé sous une réalisation efficace.

lundi 10 décembre 2012

Mais qui a tué Kad et O?

Dans toute la lourdeur de cette grosse blague nostalgique, on rit parfois aux moments absurdes d’un humour oublié, mais quand le duo surenchérit à ses propres vannes, l’enclume nous assomme. Ils sont leurs propres assassins et à eux seuls, ils ont flingué leur grand retour. 


"J'suis sûr que ton père, quand il t'a vu à la naissance, 
il a cru que ta mère, elle avait couché avec... un hachis-parmentier!"




I heard he had a style / And so I came to see him / And listen for a while...


Cogan c’est Drive, mais moins hype, moins muet, moins vide.
Cogan donne une véritable leçon technique de cinéma. Les scènes de violences sont magnifiques, un rude ballet de sang sur fond de soul. Pleuvent des dialogues tarantinesques, écrits d’une plume de génie, que s’envoient des acteurs sombres, désabusés. Sans parler du montage parfait et de la bande originale savoureusement idéale. Dominik est un cinéaste.


De la liberté sous la crinoline.


La reine s’envoie en l’air dans l’adultère, bouquine de la lumière à l’ombre des regards tandis que le fou son Roi court dans les prés, les cheveux au vent et fait résonner son rire grinçant dans le bureau du Conseil. Pendant ce temps, un médecin devient Roi et rêve de liberté.
Royal Affair est trop classique et c’est là son seul défaut. Ce volet de l’histoire danoise est tellement délicieux, les acteurs qui le jouent sont si envoûtants, qu’il ne manque plus au film qu’un rythme effréné, qu’une explosion du romantisme, restés tapis sous d’épais costumes d’époque.

vendredi 30 novembre 2012

Men of the moon.


Partons un moment, en Corse ou sur la Lune, dans le passé ou dans une voiture. Partons, bien entourés d’un trio d’acteurs parfaits, dans ce film léger et spontané. Comme des frères est une comédie terriblement drôle, portée par l’ingénuité de Pierre Niney et la fragilité rugueuse de Nicolas Duvauchelle. Mélanie Thierry joue à merveille le fantôme bienveillant, elle est aussi solaire que son sourire est addictif. Partons dans ce road-movie aux dialogues naturels, aux exquises réparties, aux situations tendres.

Oui, on peut faire des bons films avec des bons sentiments.

jeudi 22 novembre 2012

L'affaire Lively Blake.

 
Je cracherai des heures sur Blake Lively.
Savages m’en donne la plus belle des occasions. Ouverture en noir et blanc sur la grande blonde contrastée alors qu’arrive en off sa voix désarticulée. La voix de Blake Lively est une guimauve, pinky et sucrée mais terriblement molle. Le reste du casting est sans fautes : un trio au bord du has-been (Hayek-Travolta-Del Toro), un duo trempé de l’eau turquoise de la jeunesse (Ben et Chon), et ils s’amusent comme des gosses dans des rôles survoltés. Violence, sexe et couleurs saturées.
Côté scénario, Oliver ne s’est pas foulé. L’histoire sent les pages de Don Winslow et les dialogues sont ridicules. La fin est stupéfiante de bêtise et le film s’achève comme il a commencé, sur des gros plans solaires de Blake Lively qui débite un texte creux de sa voix de sirène toxicomane.

mardi 20 novembre 2012

Parlons d'injustice.


Dernièrement très utilisée au cinéma, la persécution d’innocents a le vent en poupe.
Le sublime Broken, l’étrange Despues de Lucia et la Chasse, fraîchement sorti en salles, tous trois s’acharnent sur un personnage respectable.



Dans la Chasse, Mikkelsen garde la tête froide, se bat avec honneur contre la parole d’une petite fille contrariée, contre la réaction démesurée de parents manipulés. La chasse est un grand film ravalé, auquel il manque un cri, une révolte hurlante contre l’injustice, contre un crime improuvé. Tout est trop silencieux, comme soumis. Mais les acteurs sont tous incroyables, de la plus jeune au plus vieux, pathétiques ou détestables, bienveillants ou haineux. La photographie est superbe et les couleurs automnales réchauffent cette histoire glaciale. 



Mais j’ai été bien plus révoltée par une autre injustice et je la nommerai Palme d’Or.
Toute l’audace, la poésie, la technique et la mise en scène qu’il faut mêler pour obtenir un bon film de cinéma, cette année, étaient dans Holy Motors. Alors pourquoi récompenser un film trop écrit et trop joué, vu et revu, aux dialogues bourrés d’abominations ? Pourquoi récompenser à nouveau Haneke qui ne doit savoir que faire des éloges, et ne pas souligner l’audace et le talent fou d’un génie oublié ?
Cette année, mon véritable Amour sera Carax, mais dans la balance de la subjectivité, la folie ne fait pas le poids.



vendredi 16 novembre 2012

Stupeur et tremblements.

 
Le cinéma est d’abord affaire d’image.
Je suis sortie de Rengaine avant la fin, prise d’une nausée insoutenable. Il est presque insolent de bâcler ainsi un long métrage. Trop gros plans et image dégueulasse de caméra amateur. Le cadreur devait être un aveugle, pris de spasmes. Ça bouge sans arrêt, c’est flou et la gentille histoire qu’on nous raconte est salie par une réalisation incompétente.
Le cinéma est d’abord fait d’images.
Rengaine n’est pas du cinéma.

lundi 12 novembre 2012

Sauvé, Willis!

 
Après l’interminable « sans issue », Bruce Willis s’enfonçait dans le navet survolté, dans le film d’action bas de gamme. Et le voilà rajeuni, jouissant d’un lifting temporel en forme de Joseph Gordon Lewitt (méconnaissable), et dégommant, dans le présent, des hommes du futur avec un tromblon.
Looper a le seul défaut d’être un peu trop propre, mais nous offre un spectacle haletant de boucles temporelles. Elle fait du bien cette science-fiction dosée, sans trop de poudre aux yeux ; elle sent la terre et les champs de maïs. Le scénario solide et sans chichis est mené par des acteurs « nature », Paul Dano et Emily Blunt (radieuse) dans un parfait contre-emploi.
Le film est long, mais le film est bon, beau et rythmé, cohérent, clair. A la hauteur de son succès.

S I N _ _ _ E _

 J’ai eu peur au cinéma. La vraie frousse, où tout ce qui me passait sous la main a fini devant mes yeux tremblants. J’ai partagé mes sursauts avec toute la salle, les vrais sursauts spontanés et bruyants qu’on essaie de camoufler.
Sinister fait peur, il prend aux tripes, au cœur. Le film, martelé par le bruit de la bobine en super 8, avance à tâtons dans une photographie sombre et sophistiquée. Le scénario est clair, parfois trop, mais ne se perd pas dans des délires abyssaux. Entre une enquête terrifiante, des séances de ciné vintage et de superbes déambulations nocturnes, Ethan Hawke sombre dans une folie à la fois effrayante et terriblement humaine. 


mercredi 31 octobre 2012

Le ciel lui tombe sur la tête...

 
Sam Mendes à contre-emploi, en chef d’orchestre de blockbuster, voilà qui est étonnant, mais son découpage classique est plus qu’efficace et les scènes d’action souvent grandioses, l’image est soignée, la photographie superbe, presque laquée. Sur le terrain de l’humour, la série des James a toujours su garder le cap et Skyfall tient bon la vanne subtile et la répartie malicieuse, hissées haut. Seul point noir, l’éphémère apparition d’une vespérale James Bond girl frenchy et apeurée qui ne saurait faire oublier la délicieuse Eva Green.
Daniel Craig nous démontre qu’il vaut bien mille Moore. Plus insolent que Connery, plus charismatique qu’un Brosnan trop lisse, malgré sa bouche en cul de poule et ses costumes gris étriqués. Javier Bardem ambigu en méchant blond platine n’ayant pas tout à fait coupé le cordon…  Javier Bardem parfait en méchant détonnant, moins homme de terrain que grand calculateur et drôle à souhait. Ben Wishaw, joli petit Q et l’inaccessible Moneypenny offrent à Skyfall un coup de jeune bienvenu et contribuent à l’installation d’un duel perpétuel entre le passé et le présent.
Quand à la Queen Judi, elle titre avec grâce sa révérence avec un rôle ici plus complet, plus complexe, tourmenté par ses erreurs d’autrefois. Elle boucle la boucle de l’avant avec l’après, érige un pont royal entre Pierce et Sean. On ne sait plus vraiment où l’on en est, mais ce brouillage de pistes temporelles se mord la queue dans l’écrin d’une intrigue simple et pour une fois, on peut résumer un James Bond sans rougir de n’avoir pas tout compris.

mercredi 24 octobre 2012

Zac Efron Le Médusé.



Un casting hétéroclite mène l’enquête dans une Amérique puritaine et caniculaire. Mais l’investigation journalistique n’est qu’un prétexte et les thèmes du racisme et de l’homosexualité s’en mêlent pour former une sorte de polar érotico-vintage. Image grainée et surimpressions solaires, l’esthétique de Paperboy est aussi suintante que l’atmosphère. On ressent, du début à la fin, une tension animale, aidée par les corps luisants et les scènes de sexe primitif, aidée aussi par le jeu puissamment malsain de Kidman, McConaughey (décidément convaincant) et Cusak.
Pas franchement intéressant, Paperboy est un film d’ambiance. Pas franchement réussi, Paperboy manque de l’audace dont il se vante et ne tient qu’à sa brillante direction d’acteurs. 

samedi 20 octobre 2012

Teddy Beer

 Difficile de faire parler un ours en peluche après l’excellente trilogie de Toy Story, difficile de faire parler un ours en peluche sans tomber dans le film enfantin. La solution ? Qu’il pète, qu’il fume, qu’il s’envoie des putes ou des caissières dans la remise. Voilà Ted, l’ourson vulgos, le célèbre miracle de noël, devenu vivant grâce au vœu d’un mini-Mark Wahlberg en manque d’amitié. Mais Marco devenu grand, amouraché de Mila Kunis, ne peut se séparer de son meilleur pote l’ourson et ce plan à trois va vite tourner au cauchemar. Un cauchemar avec Flash Gordon, un bang et des pets, beaucoup de pets.
Mark Wahlberg est mou, Mila Kunis est chiante, trop maquillée, Ted, lui, est pétillant de dégueulasse, toujours en pleine forme et parfois drôle, parfois. Le film aussi est inégal, alliant des dialogues rythmés à des séquences inter-minables ou grotesques. Enfin, la morale est effarante de stupidité et range cette comédie au rayon DVD du dimanche pluvieux. 


lundi 8 octobre 2012

Ruby Ruby Ruby Ruby

 Zoe Kazan, actrice principale du film « Ruby Sparks », en est également l’auteur. Auteur de cette histoire virant au gentil fantastique d’un très jeune écrivain maladroit en amour, qui, poussé par son psy, écrit sa rencontre avec la femme de ses rêves. Mais quand Ruby apparaît dans sa vie telle qu’il l’avait écrite, aussi réelle que rousse et mince, Calvin doit faire face à son idéal.

 
Elle s’appelle Ruby, elle est drôle et légère, elle est jolie sans être belle. Il s’appelle Calvin, jeune prodige de l’écriture mais novice en amour, il l’a inventée, l’a formée à l’image de la femme de ses rêves. Et le rêve devient réalité, fait de chair et d’os, de joues rieuses et de collants violets. Calvin tombe amoureux de ses mots. Mais quand la vie s’en mêle, leur relation bascule. C’est là que le scénario prend toute sa valeur : dans la vie. Galatée n’est plus aussi blanche qu’aux premières pages et Pygmalion voudrait retoucher sa statue. Mais pas de ctrlZ sur la machine à écrire, pas de retour en arrière possible.
Le couple fonctionne. Paul Dano incarne parfaitement ce rôle d’écrivain un peu cliché, solitaire et insatisfait. Mais il manque au film une étincelle. Zoé Kazan oscille entre le jeu ridicule et brillant. Ruby n’a pas le charisme de la Summer de 500 jours ensemble, n’a pas le charme et les cheveux multicolores de Clémentine sous son soleil éternel. Et pour les filmer, le duo de Little Miss Sunshine a choisi la voie de la simplicité. L’image est fade, colle à Calvin mais détonne avec Ruby. Là où l’on attend du punch on ne trouve que banalité, sauf peut être cette belle surprise que nous fait Banderas et certains moments énervés.
Ça aurait fait un très beau livre.

vendredi 5 octobre 2012

Ah la nouille, Eurydice a morflé!

Le titre déjà suait de prétention. Entouré d'acteurs prestigieux, Alain Resnais présente son dernier film "Vous n'avez encore rien vu". Un film disons-nous? Plutôt une pièce, Eurydice, une pièce jouée en échos dans un grand salon, dans une immense demeure kitsch et funèbre, dans d'émouvants souvenirs d'acteurs. 
Antoine, metteur en scène jusqu'au bot de sa mort, invite par testament des amis comédiens, afin qu'ils visionnent ensemble une nouvelle version (très limite) de cette fameuse pièce que tous ont joué par le passé. Le texte caressant leurs mémoires, la pièce va doucement déborder de l'écran au salon.
Drôle de scénario, hommage magnifique à des comédiens touchants (Wilson, Duperey), fragiles (Consigny, Piccoli), ou tremblants (Azema, Brouté); Vous n'avez encore rien vu est pourtant cinématographiquement inutile et raté. Resnais coince et gâche ses acteurs dans un décor superflu, dans une atmosphère poussiéreuse. Le montage est à vomir, démodé, zooms grossiers et effets ridicules, répétitions assommantes et mises au point plus très au point. Si l'exercice était beau, sa réalisation, elle, est hideuse. 
Le spectateur étouffe, le film est lourd et s'enfonce toujours plus dans la redondance. Le film de la pièce dans la pièce dans le film, Resnais pris au piège entre ses deux grands amours: le théâtre et le cinéma. Mais ils sont deux monstres trop sacrés, trop complexes pour les mêler, il faut être fin orfèvre ou jeune génie et Resnais se fait vieux, aux doigts maladroits. Alors qu'il rende au théâtre ce qui appartient au théâtre: ses comédiens.

vendredi 28 septembre 2012

True Story

 
Dans les années 60, Stanley Milgram proposait une expérience psychologique sur l’obéissance à l’autorité. Plus récemment, le documentaire « Le jeu de la mort » reproduit l’expérience de Milgram dans un contexte de jeu télévisé. Dans les deux cas, des résultats inquiétants apparaissent. Sous les ordres et la responsabilité de la hiérarchie, nous devenons les dociles exécuteurs d’actions insensées et violentes.
Compliance, c’est une expérience de Milgram IRL. Un prétendu lieutenant téléphone à la gérante d’un fast-food afin de régler une histoire de vol, mêlant l’une des jeunes employées. Mais le lieutenant, qui n’en est pas un, va se régaler de son éphémère autorité et en profite alors pour mettre en scène des situations démentes et malsaines.
Le film en quasi-temps réel jouit d’un rythme efficace, d’une belle esthétique et d’un scénario labellisé « faits réels » absolument fascinant. L’ensemble de sa réussite tient à cet enfermement d’acteurs plus vrais que nature dans un huis clos graisseux, à cette manipulation des esprits par la flatterie, par la menace et à cette voix perverse qui ne quitte pas le combiné des premières aux dernières minutes du film.
Ce qui est intéressant avec Compliance, c’est qu’il nous met face à notre propre morale. On se dit que cette histoire est impossible, qu’il faut être immensément con pour se faire avoir par ce canular et obéir ainsi à une simple voix. Oui, mais. Ces employés sont des individus normaux, comme ceux qui participaient à l’expérience de Milgram ou au Jeu de la mort, normaux, comme vous, comme moi. Ils sont simplement victimes de leur état d’obéissance.

mardi 18 septembre 2012

"Que c'est beau, c'est beau la vie...."

Une comédie décoiffante made in France, avec ses jolis mots et ses vieilles étiquettes ; l’exploration interne du Nous, du Je par un Gondry-chauffeur de bus magique, coiffant au poteau Mlle Bille-en-Tête ; et l’épopée temporelle de Noémie Lvovsky en forme d’hommage au cinéma, en forme de fleur aux mille pétales de joie.
Vous reprendrez bien une petite tranche de vie ?


The We and the I, la discrète nouveauté de Michel Gondry est un bel amuse bouche qui nous fera patienter jusqu’à la très attendue adaptation de l’écume des jours. Dans ce bus, des jeunes sont filmés à brut par une caméra fragile, une caméra qui en montre plus qu’elle n’y paraît. Avec l’humour cruel de la jeunesse, sous une pluie de flash-backs malicieux, c’est une avalanche de vie, une averse de naturel qui s’abat sur ce bus, dans ce bus inondé de jeux et de maux enfantins.
De frêles amitiés marquent l’arrêt et du nous au je, nous glissons doucement vers l’intime, jusqu’au terminus.


Camille redouble n’est pas qu’une comédie, c’est l’histoire tendre et survoltée d’un roulage de pelle avec le passé. Tout un casting de rêve, mêlant des adultes qui jouent des ados et des ados amoureux d’adultes et d’adultes qui ne sont plus amoureux, au service d’un scénario touchant, criblé d’instants magiques.
Noémie Lvovski frappe fort avec un doux sourire et nous offre un voyage dans le temps impossible, un voyage que seul le cinéma peut rendre si réel.


Du vent dans mes mollets est un film d’émotions franches, où l’on peut rire de tout.
Maniant le grave avec subtilité, jamais une scène ne tombe dans un pathos malvenu. Extrêmement bien dirigées, encouettées, enfrangées, Valérie et Rachel chamboulent tout sur leur passage, armées d’un humour noir et d’un franc-parler déroutant. Elle sont l’enfance que les adultes refusent d’admettre, elles sont sales, tordues, reines des coups en douce, leurs Barbies font frotti-frotta, elles sont comme nous quand on avait cet âge, cet âge pas toujours bien compris, sous la menace du fais-pas-ci fais-pas-ça.
Du vent dans mes mollets est une jolie balade colorée dans les années 80, un drôle de spectacle raconté par le plus poète des narrateurs : l’enfant.



Trois films qui pirouettent dans le temps, trois films vrais, frais, parfaits pour une rentrée de cinéma.

mardi 11 septembre 2012

I wanna chat with you.

The Secret souffrira de la comparaison. L’ombre de Martyrs plane au-dessus de la tête d’ange de Jessica Biel. The Secret est une histoire à twists multiples sur un « Tall man » qui enlèverait les enfants d’un village super glauque. Une voix-off résonne, une voix-off inutile voire encombrante. La première partie du film plante le décor, mais manque de rythme, d’accroche. Puis, pas à pas, nous découvrons la grande supercherie scénaristique, bien amenée, cohérente, le spectateur est content. Enfin, arrive ce qui doit arriver, la fin déboule avec ses gros sabots et vient saccager la partie précédente avec une nouvelle intrigue cousue de fil blanc, d’épais fil blanc qui ne passe pas dans l’aiguille trop fine de nos attentes aiguisées.

"I'm goin' down to shoot my old lady"


Killer Joe est déroutant. Mcconoghey est effrayant, il livre une véritable démonstration de vice et de violence, une étonnante et dégueulasse performance. La douce folie de Juno Temple l’accompagne avec grâce et ce film banal se teint alors d’une sanglante étrangeté. Killer Joe est déroutant.

Speed Rabbit.


Wrong est un objet artistique, une pure création. Quentin Dupieux est enceint d’idées folles, d’histoires uniques, d’humour absurde et pointu. Il assume, avec force, des scénarii de plus en plus égarés, de plus en plus complexes (malgré leur apparente simplicité). Wrong, c’est un homme pas si quelconque qui, un matin, a perdu son chien. Wrong c’est une fondation enfantine qui déborde en fantaisie et s’envole en drôles de trouvailles.
Dupieux est un artiste : musique, écriture, réalisation, cadre, montage, il est génie aux mille casquettes et les porte toutes avec élégance.





vendredi 7 septembre 2012

Ouaouh.


Je ne trouverai aucun mot assez juste pour décrire la mêlée d’émotions qu’est Broken et avec quelle force délicate il vous les transmet.
Broken c’est l’histoire de gens vrais, avec des vraies failles, des gens comme nous, un peu cassés à l’intérieur.
Je n’ai aucune critique à faire, rien à redire. Tout, de l’image au scénario, du décor aux acteurs, la réalisation, le montage, la bande originale, l’accent délicieux, tout est parfait.
J’ai ri, parce que parfois c’est drôle. J’ai pleuré, beaucoup, parce que souvent c’est vrai, c’est palpable. J’ai eu mal, parce que c’est l’histoire d’une injustice, d’un garçon à qui l’on a détruit la vie pour une simple capote. J’ai voulu rester encore après la fin.
Broken est un véritable coup de cœur, de ce cœur qui a battu si fort pendant une heure et trente trop courtes minutes. 

mercredi 5 septembre 2012

Adjani dans le fond de la piscine.

David et Madame Hansen est la petite perle de la rentrée. Astier offre à Adjani le rôle parfait d’une femme drôle et insolente, aussi détestable que vulnérable, joué avec tant de vrai, joué entre la retenue et la folie. Astier, le touche-à-tout, arrive avec ce road-movie décalé et touchant alors qu’on l’attendait en costume d’époque autour d’une table ronde. En cela le film étonne, détonne et reste pourtant emprunt d’un humour délicat, sur le fil du rasoir. David et Madame Hansen peut faire couler de chaudes larmes dans un éclat de rire, éclabousser de poésie une trame réaliste. C’est un film qui vous emporte ailleurs, dans la petite bulle de quatre personnages en quête d’un souvenir.


Guetter la sortie...

  
LE GUETTEUR
Encore un mic-mac policier de plus, des fusillades françaises improbables que l’on essaie de camoufler sous une image bleue de ciel de pluie, sous des points de vue esthétiques intéressants, mais en rien innovants. Encore un thriller manqué et trop classique, avec des acteurs trop typiques et mal dans leurs rôles, avec un rythme banal à base de ralenti et flash-backs martelés. En bref, rien de nouveau sous le soleil.

dimanche 2 septembre 2012

La preuve par 4...




Sexy Dance 4 n’a pas retenu la leçon. Avec un scénario niveau première section, seules la 3D et les chorégraphies donnent du relief au film. Le plus inquiétant reste le premier degré, le manque bien trop cruel de recul et d’autodérision.
Qu’on mette la caméra dans la rue - pour une fois - qu’on la fasse danser, virevolter, l’objectif au raz du bitume et là, ce sera un film hip-hop, ce sera du street-dance, ce sera vrai et rugueux.

mercredi 22 août 2012

Schuld I ?



Visuellement impressionnant, The Machinist est une œuvre esthétique et troublante sur la culpabilité d’un homme. La caméra nette, précise, filme sans brutalité la violence intérieure d’un halluciné ; Christian Bale rongé par un souvenir, Christian Bale incroyable, livrant une performance remarquable, parfaite.

samedi 18 août 2012

"Je suis venu pour te voler cent millions de baisers"


Dans une froideur précise, sous une pluie de points de vue (braqueurs, braqués, policiers), Hold Up impressionne d'abord par son rythme soutenu et son image aurorale, plaquée au sol dans un terre à terre visuel, puis s'égare ensuite dans un méli-mélo de personnages, s'installe alors une ambiance flottante, lassante, avare d'émotions. Mais dans le désert cinématographique de cet été, Hold Up apporte un vent frais -sans grande nouveauté pourtant- à base de violence au ralenti, de points de vue à la Gus Van Sant. 
Hold Up est réussi tant sur le casting, que dans le scénario ou dans la réalisation, mais laisse un goût d'inabouti.

mardi 31 juillet 2012

The dark knight rires.

 
The dark night rises est un film prétentieux, un film du « trop », la preuve étouffante d’un savoir-faire, la suite bâclée d’un renouveau prometteur. Incohérences, longueurs futiles, Nolan s’est senti pousser des ailes, mais il n’est pas un super-héros et tombe dans son propre piège : devoir réaliser la suite d’un film déjà trop excellent, vouloir en faire toujours plus et finalement en faire trop.
Les scènes de combat entre gros bras ne font plus rêver, les dialogues flairent bon le stupide, les intrigues « à tiroirs » ont été vidées pour l’été et nous devenons spectateurs d’un blockbuster réchauffé, à la sauce américaine.
Si le choix de Gordon-Lewitt en policier orphelin fan de l’homme chauve-souris est une réussite, le casting féminin souffre d’un sérieux manque de rigueur. Anne Hataway peine à érotiser son physique maladroit, elle s’embarque dans la fadeur et les Catwoman précédentes n’en miauleront sûrement pas de jalousie. Quant à Marion Cotillard, son jeu une réelle catastrophe et fait d’elle la plus grosse erreur du film.
En bref, The dark night rises est un peu trop long et un peu trop raté. Un peu « trop ».

mercredi 25 juillet 2012

Liebesreigen.

 
360 est une jolie ronde d’acteurs excellents qui se tiennent par la main, se lâchent, se chassent, se croisent. 360 est métissé de langages, de beauté et de laideur. 360 manque cruellement de l’élément essentiel à un film choral pour qu’il tourne rond : le rythme. 360 est pourtant traversé de scènes sensibles, fortes, mais l’ensemble reste mou, lent et pudique. On attend un éclat, un accent, une crise. On attend jusqu’au bout parce que c’est beau, l’image est chaude et limpide comme une eau tropicale et les personnages gracieux de perfection. Mais on se lasse du vide de l’action, comme d’une trop longue valse.

mardi 24 juillet 2012

Amours imaginaires.


Qu’importe que le thème de la transsexualité ait déjà été traité, « mieux » ou plus fort, ce n’est pas le sujet principal de Laurence Anyways, mais bien l’amour impossible, thème si cher à Dolan. Toujours entouré d’acteurs étonnants, le jeune réalisateur a trouvé son style et l’impose encore une fois dans cette épopée sentimentale. Si beaucoup critiquent le superficiel de ce cinéma esthétisé à l’extrême, ils en oublient sa remarquable écriture, littéraire et visuelle. Les films de Xavier Dolan sont des bijoux de poésie et de beauté ; le travail sur l’image, les scènes clipées aux couleurs franches, la musique éclectique qui donne la chair de poule, les ralentis, le 4/3 trop rare permettant des gros plans incroyables… Il en faut une sacré paire pour assumer tant de kitsch et de silences, pour encaisser les critiques jalouses qui n’ont rien compris. Dolan vomit les étiquettes alors qu’on ne cessait de lui en coller plein la casquette et Laurence Anyways semble être son imparable argument. 



Ils peuvent être présomptueux : ce film est une merveille et ce garçon a du talent.