Métachronique

Métachronique

jeudi 27 décembre 2012

Un p'tit coin d'paradis...


C’est un hymne à la musique, l’éloge léchée de ces sons qui font nos vies, qui font battre nos cœurs et bondir nos souvenirs. Café de Flore est le chassé-croisé de deux époques traversées par un même air, de deux pays aux âmes jumelles. Café de flore raconte la douleur d’une mère qui ne peut laisser s’envoler son garçon amoureux et d’une ex-femme qui ne sait voir partir son seul amour avec une jolie rose.
Café de Flore est un poème sexy, aux dialogues dénudés, sensibles, écrits sur des peaux lactées, frôlées par la fraîcheur québécoise.
Epris du son, Vallée l’enlace, le fait virevolter, doux, survolté, il le travaille au corps jusqu’à l’eargasm. Le film est un long mix, monté par un DJ talentueux, un DJ jouant des images comme d’un orchestre. Vallée est la baguette magique qui transforme le film en œuvre.

mercredi 19 décembre 2012

Les Maux de Hurlevent.


Le cinéma d’Andrea Arnold est franc et sensible. Après le bouleversant Fish Tank, elle adapte le classique des Hauts de Hurlevent, le traîne dans la boue et nous livre cette romance crasseuse et bestiale dans une longue caresse, nous plonge dans une tension amoureuse et charnelle. Arnold fait parler ses images, fait crier les regards, et ce film contemplatif en dit long avec si peu de dialogues. Le travail du son est remarquable, un chant fébrile remplace la musique, les respirations de l’humain et de la nature soufflent sur cet amour suffocant. Le parti pris esthétique est bouleversant. Gros plans des mèches battant la nuque terreuse de Catherine, une main d’ébène longeant le flanc blanc nuageux d’un cheval au pas.
Fort d’une puissance contemplative, Wuthering Heights souffre pourtant de cette histoire d’amour lassante et voyeuse, de cette passion lamentable et destructrice. Les personnages sont mal vieillis, la jeune Catherine, Shannon Beer, aux paumettes saillantes et aux petits yeux malicieux s’anorexise en Kaya Scodelario, squelette au nez retroussé. Mais étrangement, nous sommes pris dans cette romance gadoueuse, entraînés par la puissance des sentiments exprimés et les points de vue adoptés.

Laissez la rosée se poser sur vos yeux fatigués, et savourez l’éclosion de cette réalisatrice audacieuse. Entrez avec patience dans ce film brumeux, traitez avec délicatesse cet objet cinématographique sensible, laissez-vous porter par les vents hurlants de cette plaine humide.

mardi 18 décembre 2012

I am proud to be a screw up.

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Skins, peinture d’une génération aux personnages-étiquettes, qui ne savent se définir autrement que par la caricature. Skins fait dans le trash frimeur, drogue et rébellion, chaque saison a son lot de gays, d’amoureux populaires, de fous, d’étrangers bariolés, d’introvertis, de junkies ou de fils à papa.

Le concept était séduisant : toutes les deux saisons, la génération suivante prend le relais. Mais tous ces caractères antipathiques et égoïstes, toute cette peinture baveuse de la jeunesse est à vomir de bêtise. Plus les saisons passent, plus c’en est mauvais. Qu’ils ressuscitent Chris ou qu’ils mettent un terme à cette orgie immature.

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Misfits possède tout ce qu’il manquait à Skins : un scénariste. Une plume capable d’écrire un discours final aussi délirant et juste que celui de Nathan, capable d’inventer des dialogues insolites et des situations improbables. Misfits sait se renouveler, dénicher des perles anglaises pour briller à chaque saison. Tous les acteurs incarnent leur rôle avec force, ils sont frais, ils sont juste excellents. En plus de leur humour cynique, de leurs réparties cinglantes balancées avec un accent anglais délicieux, chaque petit héros en combinaison orange est sympathique. Contrairement à Skins, où tous sont plus haïssables les uns que les autres, ici on s’attache, on se lie à eux parce que, malgré leurs pouvoirs insensés, ils sont humains, sincères.

Il est judicieux de n’avoir pas utilisé ces pouvoirs comme un point central de la série, mais plutôt de les avoir intégrés comme des tares, des handicaps, ou bien comme une routine, et de s’en moquer avec finesse.

Le dernier épisode de la saison 4 semble pourtant à bout de souffle. Et même si rien ne peut égaler l’inoubliable envolée de Nathan sur le toit du monde, ni les meurtres lactés, un petit effort scénaristique aurait pu redorer l’image de Misfits auprès des fans déçus.


samedi 15 décembre 2012

Keira, méduse ravageuse.






Anna Karenine est un spectacle minutieusement découpé, une valse d’images, où chaque temps est une surprise visuelle. Le film s’ouvre sur un théâtre et s’étend sur une scène mouvante, les décors s’abattent. Tous les personnages se frôlent, s’évitent, s’épient au travers de rideaux, entre deux pans et quelques cordes. Cinéma virevoltant et créatif, c’est un Moulin Rouge qui déchante, où chaque pas, chaque mouvement est une danse. Mais plus le film avance, plus il quitte la scène et ses machineries. Les décors se font plus vrais et vastes, palpables, et le rythme se perd dans les grandes étendues. On reçoit alors, en claque violente, le jeu trop moyen des acteurs jusqu’ici dissimulé sous une réalisation efficace.

lundi 10 décembre 2012

Mais qui a tué Kad et O?

Dans toute la lourdeur de cette grosse blague nostalgique, on rit parfois aux moments absurdes d’un humour oublié, mais quand le duo surenchérit à ses propres vannes, l’enclume nous assomme. Ils sont leurs propres assassins et à eux seuls, ils ont flingué leur grand retour. 


"J'suis sûr que ton père, quand il t'a vu à la naissance, 
il a cru que ta mère, elle avait couché avec... un hachis-parmentier!"




I heard he had a style / And so I came to see him / And listen for a while...


Cogan c’est Drive, mais moins hype, moins muet, moins vide.
Cogan donne une véritable leçon technique de cinéma. Les scènes de violences sont magnifiques, un rude ballet de sang sur fond de soul. Pleuvent des dialogues tarantinesques, écrits d’une plume de génie, que s’envoient des acteurs sombres, désabusés. Sans parler du montage parfait et de la bande originale savoureusement idéale. Dominik est un cinéaste.


De la liberté sous la crinoline.


La reine s’envoie en l’air dans l’adultère, bouquine de la lumière à l’ombre des regards tandis que le fou son Roi court dans les prés, les cheveux au vent et fait résonner son rire grinçant dans le bureau du Conseil. Pendant ce temps, un médecin devient Roi et rêve de liberté.
Royal Affair est trop classique et c’est là son seul défaut. Ce volet de l’histoire danoise est tellement délicieux, les acteurs qui le jouent sont si envoûtants, qu’il ne manque plus au film qu’un rythme effréné, qu’une explosion du romantisme, restés tapis sous d’épais costumes d’époque.