Métachronique

Métachronique

mercredi 22 juillet 2015

"Long ago life was clean / Sex was bad and obscene / And the rich were so mean"

Le monteur est un peu comme un maçon, si vous voulez. Et par là, le réalisateur serait l'architecte. Alors, pour "construire" un film, le réalisateur établit un plan : son scénario, puis il choisit ses matériaux : les images, la musique, les acteurs... On préférera des matériaux de première qualité pour obtenir un film solide, sinon, avouez que c'est branlant une maison avec des murs qui s’effritent ! Bref, même si certains choisissent par pur snobisme de privilégier la toiture à la peinture, c'est bien là leur problème, ils étaient prévenus... Enfin, quand vous avez réunis parpaings et charpente, il faut assembler le tout histoire qu'il ressemble à quelque chose ! Et là, le monteur-maçon entre en jeu. Vous pouvez évidemment le faire vous même, mais à vos risques et périls... Le monteur, c'est d'abord celui qui choisit comment agencer les briques pour que votre maison tienne debout, puis il cimente l'ensemble pour donner le jour au projet de l'architecte. Et, vous le savez, il est également ce mini-dieu tout puissant qui rythme le film, lui offre un souffle, une âme. Si un acteur sonne faux l'espace d'une minute, le monteur peut remplacer la brique cassée par une meilleure. Si une image se casse la gueule, il lui tend la main et la redresse.


Bref, venons-en au fait : Victoria. Tourné en plan-séquence comme les précédents Casa Muda et Birdman (mais sans aucune coupe, même dissimulée), en se payant une musique de luxe (Nils Frahm) et des acteurs plutôt bons, Victoria met donc malgré tout le monteur au placard. MAIS POURQUOI ? Pourquoi ? Parce que son scénario est bâti sur un plan carré et sans fenêtres, avec une simple porte pour y entrer et en sortir. Alors pour que cet essai ennuyeux paraisse sexy, on lui a collé une technique intrigante : le one cut. Erreur ? Oui et non, car même remanié à coups de ciseaux, les incohérences et l'agacement qu'elles induisent ne se seraient pas changés en dialogues flambants, ni en chef d’œuvre au simple baiser maçonnier d'un monteur ambitieux. Un montage aurait, en revanche, évité la prise de vue approximative, les mises au point incessantes, le brouillon visuel...

Alors pourquoi j'ai aimé Birdman et pas Victoria ? Parce que Birdman jouit de matériaux de qualité : bien filmé, excellemment joué, scénario malin. Et ce dernier possède aussi l'immense avantage du rythme.

« Le montage est la force créatrice fondamentale par laquelle les photographies sans âme (les plans séparés) sont organisés en une forme cinématographique et vivante. » Poudovkine

mercredi 1 juillet 2015

Femmes amoureuses


A girl walks home alone at night / Ana Lily Amirpour
Une jeune vampire en tchador déambule dans les rues de Bad City et rend justice à coups de crocs acérés. Sur son chemin elle croise Arash, un genre de James Dean iranien. Ils entrent ensemble dans une histoire d'amour en noir et blanc...

Entre le film d'horreur, le film de super-héro, le western et l'expressionnisme, A girl walks home alone at night est infiniment cinématographique. C'est une errance amoureuse dans un Iran américanisé, un cri d'amour au 7ème art, mais aussi au 4ème : la musique. Car les vampires écoutent du rock alternatif iranien sur vinyle, pour notre plus grand plaisir !



Phoenix / Christian Petzold
Nelly était mariée, chanteuse, heureuse ; la seconde guerre est passée et la voilà en 1945, rescapée du camp d'Auschwitz... A son retour à Berlin , grièvement blessée au visage, elle subit une reconstitution faciale. Elle se met alors en quête de son mari, Johnny, lequel la croît disparue. Lorsqu'elle le retrouve enfin, il ne veut croire que c'est bien sa femme, mais dans le but de récupérer son patrimoine familial, il lui propose qu'elle prenne l'identité de son épouse disparue. Nelly devient alors son propre double...

Après Barbara, le duo germanique du réalisateur Christant Petzold et de l'actrice Nina Hoss revient avec un film d'une justesse troublante sur la renaissance d'une femme en cendres. Phoenix est à découvrir, pour son scénario incroyable, pour le jeu des acteurs à fleur de peau et pour la fin, éclosion d'une rose en robe rouge.