Métachronique

Métachronique

dimanche 20 décembre 2015

Année sombre.

Une nouvelle année est toujours signe de bonnes résolutions, la mienne sera de vous épargner un trop long article sur les films de 2015. Cette fois, juste un top, en trois mots…


1 – Sicario (Le cœur serré)
2 – Les Nouveaux Sauvages (Une libération animale)
3 – Réalité (Outrage au sens)
4 – Before I Disappear (Larmes de désespoir)
5 – Mad Max (Régal des yeux)
6 – Les nouveaux héros (Barre de rire)
7 – Birdman (Une danse infernale)
8 – Ex-Machina (Juste Oscar Isaac)
9 – Cake (La modestie efficace)
10 – Citizen Four (Une angoisse paranoïaque)
11 – Mustang (Une force simple)
12 – Isla Minima (Ambiance vertigineuse)
13 – Un Français (Horreur sans commentaire)
14 – A girl walks home alone at night (Etonnant western vampirique)
15 – Phoenix (Discret mais puissant)


dimanche 1 novembre 2015

De la balle et des bulles...

CATHARSIS - LUZ 

Luz se fout à poil. Il dénude ses états d'âme, exhibe son mal-être post-Charlie dans ce recueil de dessins poignant. La réalité sanglante s'insère dans chaque trait, la tristesse et la désillusion bordent chaque page, mais l'ensemble touche juste. Juste là, là où nous avons un cœur, là où nous avons de l'esprit et où d'autres n'en ont malheureusement jamais eu. Ces autres qui ont taché la joie d'un homme simple, sa joie et son envie, sa joie et son combat, sa joie et son cynisme exquis, au nom de quoi ?


Un journal caricaturant le monde, la terreur et les démons internes d'un Luz marqué à tout jamais. Troublant et fort.



SON LITTLE -SON LITTLE
L'album s'ouvre sur une plainte amère, des guitares qui se lamentent et des silences -glaçants. La voix est presque extraterrestre, une voix un peu apeurée, enfoncée dans la fragilité. 


Elle s'envole parfois haut, si haut qu'elle nous emporte, nous élève dans un univers de blues, de rock en pointillés, de r'n'b profond. Son little (alias Aaron Livingston, compère fidèle d'RJD2) possède une patte musicale qui grattouille, qui caresse, qui flanque aussi de belles raclées.
Préparez-vous à recevoir de l'émotion brute.

jeudi 15 octobre 2015

Cigarillo.


Les corps sont meurtris, endoloris ; les yeux s'épuisent ; règnent la fatigue et la peur. Les acteurs terrorisants (Del Toro) ou terrorisés (Blunt) sont d'une grave justesse, à faire froid dans le dos.
Décidément, Villeneuve sait créer de la tension, noircir les atmosphères, mutiler les espoirs. Après le glaçant Prisoners, après l'échec d'Enemy, le réalisateur frappe fort, très fort. Pas de plaisir avec Sicario, sauf celui du visuel, le reste n'est que de la douleur, la douleur nécessaire de la désillusion. Sicario est un film sec, aride, où l'humain crève sous des pluies de balles. 

Un film qu'on ne regarde qu'une fois mais qui marque pour toute une vie de cinéma.


Broar.


La petite salle du bootleg portait un parfum d'homme et de sueur. Partout, se frottaient des barbes luisantes et des cheveux grisonnants ; des jeunes, des vieux, des petits, des grands, tous là pour écouter suinter un blues intimiste et puissant, celui du suédois Bror Gunnar Jansson.
Seul sur scène, le grand blond aux traits carrés et sévères se déchire la voix, il se déchire le cœur sur des rythmes lancinants, dans des embardées mélodiques. En bon amant, il alterne douceur et force, accélère puis apaise, puis repart. 
Dans la petite salle du bootleg, à ma gauche, j'ai plaint les animaux irrespectueux jacassant sur les morceaux amples et j'ai préféré rejoindre, à ma droite, les simples amoureux de bonne musique, qui ont su savourer bouche bée cet instant en tête à tête avec un vrai bon musicien.

lundi 17 août 2015

Nevermind


Comme il fait bon de cogner sur nos déceptions...
Pourtant, on n'est jamais déçu quand on s'attend à rien, quand on ne s'attend pas à être surpris à nouveau par la découverte d'un style, d'une atmosphère, quand on ne s'attend pas à l'excellence encore, toujours. La première saison de True Detective relevait du grandiose, dans l'univers séristique en plein boom, dans l'océan brillant des nouvelles séries. La première saison portait en elle un petit plus qu'on pourrait appeler cinéma. Acteurs sans fautes, dialogues écrits d'une plume cynique et lucide, image simple mais splendide, plans-séquence à vous rendre fou. Voilà pourquoi la première saison nous a explosé au visage sans qu'on s'y attende, sans qu'on porte en elle mille espoirs démesurés. La deuxième pouvait donc difficilement faire mieux tant on touchait déjà le haut du panier, les étoiles, la Lune, bref, la perfection.

Changement de décor, la Louisiane poisseuse laisse place à la froideur industrielle de la Californie. Autres vices, autres perversions, autres maladies humaines gangrenant la ville. AUTRE. Entendez bien les gars, c'est comme une autre série, mais écrite par la même main et filmée par le même œil. Alors non, on ne tourne pas dans l'humidité du Bayou comme sur les larges routes de Vinci et on change d'enquête parce que CE N'EST PAS UNE SUITE. Je comprends qu'on n'accroche pas à l'intrigue un peu alambiquée, un peu trop bordélique, ou au jeu de Kelly Riley (détestable), mais cette saison 2 est loin d'être l'échec annoncé par une presse pointilleuse.


Peut-être est-ce la noirceur du point de vue, le pessimisme ambiant qui a terni l'avis des critiques, mais oh ! comme ils sont jouissifs, les dialogues plus tranchants qu'une punchline d'Orelsan ; comme elles serrent le cœur, les embuscades meurtrières ; comme il prend aux tripes, le jeu plein d'ampleur – enfin – de Rachel Mc Adams. Et tous les liens familiaux tordus, de chacun des personnages, qu'il soit fils ou presque père, sœur ou mère, trop de liens tordus, brisés, trop de relations qu'un autre a salies, que la société a pourries, que l'amour a meurtries.

Cette saison est moins bien que la première, plus dure, plus complexe, plus tragique, elle est drôle, assassine, éprouvante. Elle est tout, tout ça, mais tout sauf un échec.

mercredi 5 août 2015

Et vice et versa.


Non mais allô quoi ? Tu fais un dessin animé et dedans y'a pas d'animal parlant rigolo ? Que t'es-t-il arrivé Pixar ? Tu tenais un scénario du tonnerre, si original : La joie, la tristesse, la colère, le dégoût et la peur contrôlent les émotions de Riley au QG de son cerveau. Mais quand les deux premières se font happer dans la mémoire, les trois autres doivent gérer seuls des émotions auxquelles ils n'y connaissent rien. Sauf que le long périple de joie et tristesse (ou mollesse, c'est tout comme) s'étire en inutilité dans le labyrinthe de la mémoire et de l'imagination. C'est comme si Tristesse avait touché tous mes souvenirs du film et les avait contaminés. Rien de pétille, même la joie ennuie. 



Mais le principal problème du film est qu'il manque cette présence, à la fois exaspérante et géniale, d'un animal. Jago, l'âne, Sven, Doug, Rex, Toothless, les meilleurs dessins animés ont tous un compagnon de marrade sur quatre pattes ! Celui qui amuse la galerie, qui agace un peu et qui, sans même parler, se pare d'une palette d'expressions démentes. Comme quoi, nul besoin d'un animal pour réaliser un film baveux.

lundi 3 août 2015

Quand le cinéma se meurt...


Alors oui, oui c'est joli, les petites lumières qui courent sous les jupes des filles, des filles électriques. C'est toujours émouvant d'assister à l'éclosion d'adolescentes dans leurs corps de femmes, à la naissance de leur désir, de leurs troubles. Et puis leur fraîche répartie, comme un vent insolent. Mais comme c'est chiant, l'antipathie, le cliché, la facilité. Bye bye scénario, bonjour fadeur et lieux communs. Même mon corps n'en pouvait plus, mon cerveau n'en voulait plus, ma sensibilité s'est éteinte, d'un coup d'hélice, comme tranchée et vidée. J'ai voulu fuir cette héroïne sans relief, ses touche-pipi avec une Marylin en fleur, ce contraste de détresse contre une joie débordante, ce noir fuyant sur un rose pastel de peau de pêche. Mais je suis restée dans l'avion en marche, espérant que ce voyage éprouvant mène finalement quelque part... Et ça n'a pas décollé, jamais, le film est resté plat et insipide jusqu'à sa médiocre fin.


mercredi 22 juillet 2015

"Long ago life was clean / Sex was bad and obscene / And the rich were so mean"

Le monteur est un peu comme un maçon, si vous voulez. Et par là, le réalisateur serait l'architecte. Alors, pour "construire" un film, le réalisateur établit un plan : son scénario, puis il choisit ses matériaux : les images, la musique, les acteurs... On préférera des matériaux de première qualité pour obtenir un film solide, sinon, avouez que c'est branlant une maison avec des murs qui s’effritent ! Bref, même si certains choisissent par pur snobisme de privilégier la toiture à la peinture, c'est bien là leur problème, ils étaient prévenus... Enfin, quand vous avez réunis parpaings et charpente, il faut assembler le tout histoire qu'il ressemble à quelque chose ! Et là, le monteur-maçon entre en jeu. Vous pouvez évidemment le faire vous même, mais à vos risques et périls... Le monteur, c'est d'abord celui qui choisit comment agencer les briques pour que votre maison tienne debout, puis il cimente l'ensemble pour donner le jour au projet de l'architecte. Et, vous le savez, il est également ce mini-dieu tout puissant qui rythme le film, lui offre un souffle, une âme. Si un acteur sonne faux l'espace d'une minute, le monteur peut remplacer la brique cassée par une meilleure. Si une image se casse la gueule, il lui tend la main et la redresse.


Bref, venons-en au fait : Victoria. Tourné en plan-séquence comme les précédents Casa Muda et Birdman (mais sans aucune coupe, même dissimulée), en se payant une musique de luxe (Nils Frahm) et des acteurs plutôt bons, Victoria met donc malgré tout le monteur au placard. MAIS POURQUOI ? Pourquoi ? Parce que son scénario est bâti sur un plan carré et sans fenêtres, avec une simple porte pour y entrer et en sortir. Alors pour que cet essai ennuyeux paraisse sexy, on lui a collé une technique intrigante : le one cut. Erreur ? Oui et non, car même remanié à coups de ciseaux, les incohérences et l'agacement qu'elles induisent ne se seraient pas changés en dialogues flambants, ni en chef d’œuvre au simple baiser maçonnier d'un monteur ambitieux. Un montage aurait, en revanche, évité la prise de vue approximative, les mises au point incessantes, le brouillon visuel...

Alors pourquoi j'ai aimé Birdman et pas Victoria ? Parce que Birdman jouit de matériaux de qualité : bien filmé, excellemment joué, scénario malin. Et ce dernier possède aussi l'immense avantage du rythme.

« Le montage est la force créatrice fondamentale par laquelle les photographies sans âme (les plans séparés) sont organisés en une forme cinématographique et vivante. » Poudovkine

mercredi 1 juillet 2015

Femmes amoureuses


A girl walks home alone at night / Ana Lily Amirpour
Une jeune vampire en tchador déambule dans les rues de Bad City et rend justice à coups de crocs acérés. Sur son chemin elle croise Arash, un genre de James Dean iranien. Ils entrent ensemble dans une histoire d'amour en noir et blanc...

Entre le film d'horreur, le film de super-héro, le western et l'expressionnisme, A girl walks home alone at night est infiniment cinématographique. C'est une errance amoureuse dans un Iran américanisé, un cri d'amour au 7ème art, mais aussi au 4ème : la musique. Car les vampires écoutent du rock alternatif iranien sur vinyle, pour notre plus grand plaisir !



Phoenix / Christian Petzold
Nelly était mariée, chanteuse, heureuse ; la seconde guerre est passée et la voilà en 1945, rescapée du camp d'Auschwitz... A son retour à Berlin , grièvement blessée au visage, elle subit une reconstitution faciale. Elle se met alors en quête de son mari, Johnny, lequel la croît disparue. Lorsqu'elle le retrouve enfin, il ne veut croire que c'est bien sa femme, mais dans le but de récupérer son patrimoine familial, il lui propose qu'elle prenne l'identité de son épouse disparue. Nelly devient alors son propre double...

Après Barbara, le duo germanique du réalisateur Christant Petzold et de l'actrice Nina Hoss revient avec un film d'une justesse troublante sur la renaissance d'une femme en cendres. Phoenix est à découvrir, pour son scénario incroyable, pour le jeu des acteurs à fleur de peau et pour la fin, éclosion d'une rose en robe rouge.

mercredi 24 juin 2015

La boîte à musiques.


A Lyon, le rap vit aujourd'hui une véritable renaissance dans la cage de l'Animalerie, collectif de jeunes écrivains inspirés. Parfois, il s'en échappe un qui vole de ses propres ailes, Kacem est de ceux-ci. Un oiseau de malheur à la plume virevoltante, un serpent assonnant qui se glisse entre les mots, les pique, les tord, en joue. Ce ballet allitérant s'allie aux instrumentales cuivrées de Guts (très actif sur la scène hip-hop du moment), entre jazz et raï, entre rap et chanson. Si Brassens avait 30 ans aujourd'hui, il porterait sûrement un petit chapeau et s'amuserait à jongler avec la langue française sur des beats hip-hop, il talonnerait Booba et Kaaris en ventes de disques, resterait loin des poélmiques et s'appellerait évidemment Kacem Wapalek !


 Ce serait un Fauve avec de la bouteille, qui nous enivrerait de son chant de mots parlés, d'avis enragés, passionnés. Ce serait un cri sur des guitares rock, une caresse sur des instruments en fanfare, une déclaration d'amour hip-hop. Le spoken word de Cabadzi a encore mûri, digéré, recraché. Des angles et des épines, voilà bien ce qui vous attend sur le chemin sonore que trace le groupe.


Le DJ caennais de 22 ans surprend avec son électro planante et épurée. La profondeur des basses et la délicatesse des mélodies font d'Opening un album contemplatif, un véritable dépaysement musical. 

Harder, better, stronger.

Nous y sommes, les séries sont reines ! Alors qu'HBO installait sa dictature du bon goût avec True detective, Netflix cherchait encore sa voix, Canal devait faire ses preuves... Aujourd'hui il faut se préparer au coup d'état du Bureau des Légendes, au coup d'éclat qu'est Bloodline.



L'atmosphère tendue du bord de mer de The Affair, les lourds silences contemplatifs de Rectify... Non, vous n'êtes pourtant pas tombé dans les filets d'une série copieuse, dans le piège de la ressemblance, car Bloodline a quelque chose d'unique, une ambiance singulière due à sa prise de vue sensible, baignée de naturel, qui capte, presque voyeuse, tout le poids que porte la famille Rayburn. Ce qui vous prend est bien plus que du suspense, c'est de la perversion : vouloir découvrir comment exploseront cette famille et ses secrets. A cela s'ajoute une enquête policière, des histoires d'amour vrillant avec le vent marin, de quoi harponner votre attention jusqu'au bout de ces treize épisodes prometteurs.

Nous sommes 50 ans après Chapeau Melon et Bottes de cuir ; le monde entier est dirigé par les séries américaines. Le monde entier ? Non ! Car un pays peuplé d'irréductibles scénaristes résiste encore et toujours à l'envahisseur...


Un casting brillant (Kassovitz, Drucker, Daroussin) s'installe dans les bureaux de la DGSE et nous propose une saison captivante, dans laquelle la politique est claire sans être naïve. Série presque didactique, le Bureau des Légendes est en tout cas une série à  part, qui a su trouver un ton, un angle de vue. Après une visite des lieux, le déchiffrement des termes, la présentation des procédures et marches à suivre, vous êtes fin prêts pour entrer dans le secret défense, vous êtes entre ses murs, un agent sous couverture... Sur le canapé, sous la couverture.

Fast and furiosa

Plein les yeux, plein les oreilles.
Concentré saturé de bruits de moteur et de musique mêlés.
Course poursuite épique dans la poussière sablée du désert.
Une route furieusement battue par les roues de bolides en tous genres, dans un rythme frénétique.
Theron, Hardy et Hoult se battent en chorégraphies travaillées, d'une franche et chaude violence.
Certains effets spéciaux virent au kitsch, parfois, dans une flamme jaillissante ou une explosion.
Apartés visuels grandioses : dans un mur de sable orageux, sous la lune bleue du désert nocturne.
Des scènes d'action par grandes cuillerées, jamais gavantes, on en redemande avec un appétit d'ogre.
Un bon film caniculaire, bricolé avec crasse et folie, qui ose aller jusqu'au bout de toutes ses idées.
 
 

jeudi 28 mai 2015

Trois O.V.N.I.S. (Orfèvres Vraiment Novateurs Intelligents et Sensibles)


Love songs for robots est album de science-fiction pour nos sentiments mécaniques. Au casting, la voix extra-terrestre de Patrick Watson ; au programme, les poils qui se dressent, les yeux qui pleuvent, le cœur qui bat. Ce sont comme des petits orages d'émotion qui passent dans les oreilles. Tout ça, rien qu'avec de la musique !  Le canadien tout doux a ajouté à sa musique une bonne dose d'originalité, de quoi faire mentir sur la mollesse de ses chansons. Love songs for robots est est d'une puissance fragile, un oxymore sonore.


Après des des albums électro, hip-hop, pop, toujours barrés, rarement mauvais, celui qui détient le record insensé du plus long concert solo (27 heures !) aborde l'année 2015 avec Chambers : de la musique de chambre mâtinée de pop. Des titres dédiés à Bach, Daft Punk, Mc Enroe, à l'inconscient, Rick Ross ou même Henry VIII se succèdent, c'est du hip-hop pour quatre cordes, de la pop pour violoncelle, c'est immensément riche et fou, ça grouille d'idées, c'est créatif et beau de surcroît, ça dit merde aux étiquettes : "comme un tatouage sur le bras de Chopin" (Inrocks)


Elle est la sœur démente de Gonzo, la cousine poétesse de Patrick Watson, elle ne pouvait qu'avoir un talent fou - littéralement fou - Emily Wells. Son violon classique sonne comme un sample, il rebondit sur un beat et berce la voix, les mille voix d'Emily. On la dit enfant prodige, elle est surtout la mère d'un hip-hop onirique, d'une musique qui réveille les émotions. Elle est transgenre, transmusicale, transcendante. Ecouter un album d'Emily Wells, c'est entrer dans une douce intimité, dans un petit laboratoire interne de génie et de création libre.

lundi 11 mai 2015

Deux films à ne pas oublier, pour ne pas oublier...

STILL ALICE
 
This world is a kind of a painfull progress...
Alice perd la mémoire, mais elle est toujours Alice, même sans ses petits bouts de souvenirs. Julianne Moore incarne à la perfection cette professeure atteinte d'un Alzheimer précoce ; still Julianne, avec son jeu subtil, dosant juste ce qu'il faut d'hystérie, de pathétique et de déboussolement. Elle tient l'attention, elle prend aux tripes, elle émeut en finesse. Le film repose sur ses épaules et sur le pouvoir empathique de cette histoire qui déchire, qui révolte.

 
 Les HERITIERS
 
Ils sont tous héritiers, d'une culture, d'une histoire. Ils sont adolescents, un peu cons, ils cherchent l'attention, les embrouilles ou l'amour. Ils sont chargés de rêves qu'ils ne se donnent pas les moyens d'atteindre. Arrive le début de l'année et Mme Gueguen, professeure d'histoire comme on a tous rêvé d'avoir. Ariane Ascaride joue comme elle enseigne, enseigne comme elle joue, nous évitant "une morosité qui n'est pas la sienne". Elle respire la passion, la confiance et le courage. Elle va croire en eux, en ces grands enfants qui ont mille choses à dire mais n'osent pas. 

Ensemble ils vont participer à un concours sur la déportation, ils vont traverser les époques, s'engueuler, s'embraser, se taire et puis parler enfin. Ils vont éclore, grandir, mûrir au fur et à mesure de leurs découvertes et de leurs rencontres. Voilà comment l'histoire devrait être enseignée, sans devoir apprendre, simplement comprendre afin que tous les événements graves, majeurs qui nous ont précédés s'inscrivent réellement dans nos mémoires. Comprendre pour se souvenir

jeudi 30 avril 2015

Boîte à musiques

Elle vient de Besançon, mais vit à Brooklyn. Elle vit à Brooklyn, mais chante en français, avec rythme et délicatesse. Plus que de la chanson française, c'est du jazz avec Gilad Hekselman ou Nir Felder, ce sont des paroles qui travaillent la langue, la tordent méticuleusement. C'est une guitare dingue, qui fuit discrètement hors des sentiers battus et puis ce grain de voix bourré de malice, qui rappelle Marie Cherrier et ses tournures poétiques. Loin des artistes à la musique aseptisée, de l'autre côté de l'Atlantique, Marine Futin a bidouillé un album qui rend ses lettres de noblesse à notre infiniment riche langue française. Musique raffinée, travail d'orfèvre.

MARINE FUTIN - Qui danse (2015)

mercredi 29 avril 2015

BROADCHURCH Saisons 1 et 2

Sur le sable, l'enfant dort. 


Ils sont tous suspects : parents, amis, enfants, amants. Tous suspects parce que tous humains, avec leurs secrets, leurs défauts et travers, leurs mensonges. Il n'y a qu'une enquête, mais elle comporte mille pistes, mille doutes... Bienvenue à Broadchurch.

Qui a tué Danny Latimer ? voilà l'enquête d'Alec et ellie, deux flics un peu ratés, un peu normaux, embourbés dans une sombre histoire pleine de nœuds et de surprises. Et putain ! Elle prend aux tripes cette enquête ! Ces enquêtes, car tous s'en mêle, tout s'emmêle. C'est si bien joué que ça tord, ça émeut, ça remue en tout cas. On sent la peine d'une mère, la rage d'une femme, les vertiges d'un homme ; tout est palpable, sensible. On vit, le temps de deux saisons, dans ce petit bout de ville, ce pan de côte, auprès de ce groupe si lié, tellement si lié...

L'image est pure, la caméra se place avec sensibilité. Elle capte, elle saisit, nous mène en bateau parfois, multipliant les fausses pistes. Ralentis, mises au point, photographie douce, fondue, elle est claire et contraste avec la complexité de l'affaire. C'est donc beau, contemplatif sans être mou, c'est vivant mais hanté par la mort, c'est bouleversant, captivant au sens propre : ça vous kidnappe, vous malmène, vous emporte comme une vague dans l'immensité de l'océan.

dimanche 26 avril 2015

Atmosphère ? Est ce que j'ai une gueule d'atmosphère ?


Il y flotte un quelque chose, dans l'atmosphère de Cake. Un quelque chose de malaise, de non-dit, un quelque chose qui démange et que l'on aime gratter, parce que ça soulage. 
Le film ne plaira pas, pas toujours, parce qu'il bouscule les attentes. Il nous installe inconfortablement dans une vie qui n'est pas la nôtre, nous sommes pris en stop dans la voiture d'une étrangère, on partage un peu d'elle au vol, en cours de route, en cours de vie. Elle ne dit rien, alors on devine, on imagine, on laisse passer le temps. Aniston est froide, bordée de cicatrices au dedans et au dehors -des plaies refermées par le cynisme. Aniston est remarquable, juste dans sa fadeur ; plus elle s'efface, plus elle brille. 

Cake est un film dur à aborder, comme son personnage central. Ce n'est pas un film unanime, mais bien universel.

vendredi 27 mars 2015

Cendrillon à Miami

 
La foule se bouscule, elle se presse dans l'entonnoir que forme l'entrée du Rocher Palmer. A gauche, une mêlée indisciplinée, pressée, prête à se ruer dans la fosse de Christine & the queens. A droite, un boulevard, un micro Sahara en plein Tokyo - en somme. Le public de Cécile McLorin Salvant est installé dans la petite salle au plafond rouge. Sur la scène, la lumière embrasse les trois instruments massifs qui dorment serrés les uns contre les autres. Le piano bouche bée surplombe une contrebasse couchée au sol. Et la batterie veille, lumineuse, étincelante, sur ses deux complices. Aaron Diehl et son trio de musiciens réveillent leurs instruments endormis, en douceur. Sans plus attendre, sans chichis de mise en scène, elle arrive, enlace le micro et chante. Pas de place pour laisser passer les anges.
Elle chante à l'oreille, tout près, tout bas, puis s'éloigne pour lancer sa voix et occuper tout l'espace. Ils se regardent, se laissent de la place, le piano se fait doux quand la voix murmure, la batterie s'excite quand la voix devient sauvage, la contrebasse s'en mêle, liée, coulante, discrète.
Cécile McLorin Salvant est tous les jazz à la fois, le libre, le contemporain, celui qui fait danser, celui en français, le comique, l'acide, le profond. Derrière ses lunettes blanches, elle cache un héritage massif, celui d'Ella, Sarah et Billie ; elle vient s'immiscer dans le trio de tête des femmes de caractères, des femmes de jazz. Accompagnée de musiciens exceptionnels, elle a livré hier soir un moment de musique inoubliable et intime, à côté duquel est passé sans le savoir le public attroupé de Christine & the Queens.
 
 

mercredi 25 mars 2015

FAT FAADA FREDDY'S DROP

Faada Feddy - Gospel Journey


Installe-toi bien, ouvre grand tes oreilles et ton cœur, ferme les yeux...
Une chaleur explosive envahit l'espace. L'ex-rappeur sénégalais Faada Freddy a dévoilé ce mois-ci les formes exquises de son premier album. La voix sourit, les mains claquent, tout le corps joue. Tu découvres ce qu'est la sincérité. L'album est sans fautes, il embarque dès la première piste dans un univers familier, dans un voyage rythmé. Et Faada Freddy, au chant sablé, au chant amoureux, positif donne toute son âme, toute son énergie pour gonfler de vie son merveilleux bébé. La plus belle surprise du début 2015.


Et qui sait, peut-être qu'un jour le chanteur se laissera séduire par le dub cuivré, par la soul feutrée de Fat Freddy's Drop, et qu'ils fusionneront en un groupe génial aux deux voix uniques, en un groupe qui pourrait sans effort devenir le plus dingue, le plus beau, le plus live et le plus sexy au monde : FAT FAADA FREDDY'S DROP !

mardi 3 mars 2015

La boîte à musique

WILD GARDEN de Ibis et Josefine Cronholm


On entre dans la profondeur d'un silence, entre deux vibrations de contrebasse. Les notes se glissent sous la peau et perlent en chair de poule. Ce jazz doux, feutré, presque électronique dans son minimalisme, se fait réveiller par la voix de Josefine Cronholm. Séisme auditif, bouleversement simple. 

THE MAN LEFT IN SPACE de Cosmograph (2013)


Le rock a très (trop) souvent, à mes oreilles, quelque chose d'usé, de ringard.  Alors, même un album bon comme celui-ci passe comme un plaisir coupable. Je me sens honteuse de vibrer aux envolées électriques des guitares, de frissonner à la voix banale mais claire qui raconte une histoire que je ne comprends pas, qui me porte dans mon petit film interne, dans un voyage intime. Je vous fais signe quand je redescends sur Terre.

MORPHISM d'AlgoRythmiK (2011)

 
Electro-swing inspiré, plutôt funky, un peu hip-hop, la fusion est harmonieuse.
Cet album sonne comme une expérience, née dans le laboratoire d’un fou. D’un fou de sons. Trompettes, harmonica, scratch, voix, tout y passe, tout passe bien, dépasse l’électro pour explorer la Musique avec ce fameux grand M. Le tout est franchement survolté, déborde parfois, explose et projette ses morceaux dans tous les sens. Morphism est une sorte de caféine, de cocktail vitaminé. A prendre donc à petites doses pour réveiller des oreilles endormies.



vendredi 27 février 2015

I'm BIRDMAN !


Il y a de ces rôles sur mesure, comme cousus à même l'acteur, écrits le long de son talent.
Il y a de ces come-back que l'on scénarise avec amour et humour.
Il y a de ces films où l'image tourbillonne tout autour des acteurs, en gravitation incessante, en plans séquences dansants - ballet céleste.
Il y a de ces réalisateurs en qui je ne croyais plus, n'ayant pu avaler seulement 10 grammes sur les 21 et cherchant encore la beauté quand elle est mal orthographiée.
Il y a de ces bonnes surprises, parfois, au cinéma.

vendredi 20 février 2015

La personne aux deux personnes


J'ai rêvé d'Alain Chabat et de Jonathan Lambert sous le ciel sexy de Californie - sous ma peau, du génie en overdose. J'ai rêvé en deux langues d'un gémissement parfait qui rend fou, de Kubrick sur dictaphone, de silences hypnotiques, de la répétition d'une musique froide atmosphérique. Ce Réalité tient de la science-fiction, de la science-fiction dingue et unique dont seul Dupieux a le secret. La vie qui s'anamorphose.

Se faire un trip esthétique sous le soleil dément de la réalité, dans le réel d'un rêve éveillé, dans l'univers insensé du plus français des réalisateurs américains, du plus californien des barges français.

dimanche 15 février 2015

"Vous êtes le contrôleur ? - Le contrôleur de quoi ? - Le contrôleur de la vraisemblance ? - Non, pas du tout."

Immersion dans la pourriture avec Nightcrawler, puis 6 épisodes en apnée sous l'eau claire du journalisme intègre de The Newsroom... Un film, une saison, deux façons de dénoncer le voyeurisme dégueulasse des médias. L'une par le biais d'un personnage à vomir, parfaitement incarné par un Jake Gyllenhall infect jusqu'à l'ongle, baignant le film dans un malaise franc, du genre qui laisse des traces indélébiles dans votre mémoire cinématographique. L'autre à travers le prisme d'une salle de rédaction, celle bien connue, grouillante d'intelligence et d'éthique, créée par Aaron Sorkin en 2012.


La raison du plus fort est toujours la meilleure.
 
Nightcrawler, ou Night Call en Français dans le titre (allez comprendre), raconte l'ascension professionnelle de Lou Bloom, garçon perdu - cheveux gras - personnage immoral, manipulateur, qui filme sur les routes nocturnes des fusillades, des accidents, la caméra au poing plongée dans les plaies, dans le sang épais de la réalité. Il nous tire par le bras dans une escalade de voyeurisme, dans un film à vous serrer la gorge et le cœur. Grand méchant Lou.


"His religion was decency."
 
La troisième saison de Newsroom démarre comme une fin de série, rythmée, puissante, avec toujours le talk and walk maîtrisé, l'humour glissé dans le marathon d'idées. Une fin de série avec tout ce que cela implique de nostalgie, d'espoir envers et contre tout. Nous retrouvons toute l'équipe de ces chevaliers du bon sens, combattant sans relâche le journalisme égocentré, l'audience, le scoop, le buzz et la déviance des nouvelles technologie. Neswsroom peut s'arrêter là, sur ce sixième épisode bordé de tristesse, sur ces trois saisons exemplaires qui ont su monter en puissance, retrouver des forces entre les crachats haineux de ceux que l'utopie Sorkienne dérange, démange au mauvais endroit : l'esprit.

mardi 10 février 2015

Ouvrez, ouvrez la cage aux pulsions...


J'ai ri, comme une hyène, délivrée par la puissance cathartique des Nouveaux Sauvages. Ouais, j'ai ri sans gêne, sans honte à l'humour corrosif de ce film à sketches inattendu. Je me suis marrée comme une baleine à la critique acidulée d'une société poussant à bout des hommes, des femmes ; ni bons ni mauvais, juste humains. 
C'est une thérapie express, deux heures de libération, six histoires comme un exutoire. Ils n'ont plus de limites, ils balaient l'Evolution en un coup de délire, ils deviennent sauvages, animaux sans cage, violents et énervés. Et je ris de leurs instincts, de leurs actes déments ; je ris nerveusement, un peu comme eux, à qui je me suis identifiée tellement. 

En sortant du film de Damian Szifron, j'aurais voulu crier, casser des trucs, danser furieusement sur des rythmes - endiablée. J'ai juste ri, comme une hyène, comme une baleine, comme une sauvage, au souvenir d'un avion bourré de vengeance, d'un crime "passionnel" sur la route déserte, et du sketche final, comme une explosion - ultime pétage de plombs - qui vient clore cette série de tableaux jubilatoires.

mercredi 4 février 2015

Not a man, but a thing.


Pour une fois, nous devons réfléchir, le scénario n'épargne aucun esprit fainéant. Réfléchir et s'extasier devant la beauté dévastatrice des images et de la musique rythmant The Frame (2014), film discret et pourtant immense, passé inaperçu dans nos ingrates salles françaises. 

Ecris ta vie, avant qu'un autre ne le fasse à ta place. Voilà la morale qu'illustre cette pépite jouant avec les genres. Une morale simple, rendue majeure par un traitement cinématographique à la fois complexe et original. Le scénario a la saveur délicieuse de la nouveauté et de l'imagination. Enfin, mention spéciale au montage qui donne au film son souffle si particulier, son éclat, mais aussi sa noirceur - noir et brillant comme une tache d'encre.

vendredi 9 janvier 2015

Owen the Saint.


Dissection de l’humain sous la loupe cinématographique de Soderbergh, the Knick plonge à mains nues dans les plaies. Avec style, assurément !
Clive Owen passe la blouse blanche et devient John Thackery. Il l’incarne, il EST John Thackery, docteur génial sous cocaïne, dans le New York de 1900. Angoisse, paranoïa, il passe du sympathique à l’exécrable avec réalisme - glaçant.


Portrait d’une époque où chaque invention est une avancée majeure, the Knick est aujourd’hui, pour moi, une découverte qui mène les séries vers l’évolution.