Métachronique

Métachronique

jeudi 25 avril 2019

" Que cette vie aille se faire foutre. "


Me tenir debout sur le dos visqueux d'un flétan, plate, écrasée par le poids de la vie, par l'atmosphère assassine de la Lune et voir la balle du flingue filer dans les airs, dans l'apesanteur débile, en tendant le cœur très haut dans l'espoir de la rattraper.

Me boufferais bien un Magnum.

Essaie. Claque des doigts et éteins le soleil. Essaie de mieux aimer, de mieux vivre, essaie de l'oublier, de voir le bon côté des choses, de profiter de la vie. Essaie de faire pleuvoir quand la terre est trop sèche, essaie de ramener le beau temps pour les vacances, fais en sorte qu'il y ait moins de vent dans mes cheveux parce que sa franchise me décoiffe. Essaie d'être bon, de fermer ta gueule de temps en temps. Juste un petit effort... Essaie, fais preuve de volonté, décide de ta vie comme de la météo. Décide d'être fort comme un ouragan, droit en l'air malgré le ravage. Décide de vivre comme une brise, un souffle léger qui ne dérange personne, qu'on sent à peine, invisible et solitaire. Prends moins de place. Reste en vie car c'est ce qu'on a décidé pour toi, de toi, et que notre volonté soit faite ! Aie donc un peu de volonté. Regarde, il y a des gens qui t'aiment, qui veulent pas que tu partes. Alors claque des doigts, arrête de cogiter, claque des doigts et allume le soleil.

" ça va aller, dit-elle. ça va aller. " 

mardi 23 avril 2019

Je ne t'inflige rien d'autre que la vie.


Xavier,

Ne cesse jamais de faire battre mon cœur avec du cinéma. Moque-toi infiniment de ceux qui ne comprennent pas. Poursuis pour toujours, avec ce talent inouï qui est le tien, ton exploration du non-dit et de l'amour impossible. 
Tes films me gardent en vie, il me sont une des raisons de rester. Des clins d’œil indiscrets. Je te regarderai vieillir au plus près de moi dans les salles obscures.

A nos 30 ans, aux années 90, à l'émotion.

Merci.

Les détails, il tient à ça le cinéma de Dolan. A quelques secondes volées à mon adolescence - enfant des nineties - à des bonds immédiats dans mes souvenirs, dans nos passés et nos intimités. Parce qu'on a eu le même âge, en même temps, chacun à un bout de la planète, qu'on a baigné nos jeunesses dans la même culture populaire, dans les mêmes morceaux, les mêmes émissions, les mêmes films, les mêmes séries ratées. Alors quand "Kiss me" surgit, dans cette voiture comme un air en fuite, une mélodie fugitive échappée de mes onze ans, quelque chose galope dans ma mémoire et s'échappe en un cri - au génie ! Ce film m'a submergée de moi-même. 

Kiss me (clique donc)

Ce film, je l'ai éprouvé avec tout mon corps. Les larmes, elles sont venues du fond de moi, elles sont revenues de quinze ans en arrière. Dolan, avec "The death and life of John F. Donovan", comme avec "Mommy", "Juste la fin du monde", "Laurence Anyways", exhume des sensations enfouies, il nous ramène à la brutalité du sentiment, à sa simplicité, son universalité singulière. Ces sentiments qu'on dit si mal, mais qui sont trop souvent la seule chose qui reste de soi.
Alors la nostalgie et l'émotion s'entrechoquent, les souvenirs se mêlent à la fiction, masse pesante de ressenti : le corps tremble, l'esprit est envahi, la tristesse, la joie et la tendresse mêlées débordent des yeux, du cœur, des profondeurs de l'âme.
Tout ça grâce aux détails, à la chanson idéale, à un timing et un montage parfait - au rythme de l'homme : inégal, bondissant, pas raisonnable - et à une photographie au plus près des visages, de leurs expressions, des larmes et des sourires, au plus près du jeu vertigineux des acteurs. 

mardi 9 avril 2019

"C'est peut-être ce qu'on appelle une âme."

Né d'aucune femme est une rencontre. Avec Rose, avec Edmond, mais surtout avec les mots. Les mots qui ont le pouvoir immense de changer des vies, de court-circuiter le destin. Né d'aucune femme s'absorbe, se fond en son lecteur, on souffre avec Rose, on sanglote, on s'émotionne, on se débat avec elle. Son histoire nous possède tout entiers. On respire par sa bouche, on enfile ses mots, on s'habille de son parcours et notre cœur bat au rythme des secrets qui se dévoilent.



Né d'aucune femme est un Roman, oui, avec un grand R ! Un R fort et droit debout comme Rose, son héroïne, qui se dresse courageux plutôt que de se recroqueviller. Un R rural, rude, rugueux, parce que la vie ne l'est pas, rose. Parce que si on la laisse faire, la vie ravage, rétame, prive, abuse. Parce qu'on n'enferme pas des mots, pas même dans un roman... Ceux-là sont partis beaucoup plus loin en moi que le château et sa forge, que la forêt que j'imaginais dense, que l'asile sombre et austère ; ils ont cavalé jusqu'à mon cœur pour le faire battre à toute vitesse, ils ont bravé la fatigue et le temps qui passe pour s'inscrire dans ma mémoire de lectrice, dans mon esprit qui ne veut plus suivre personne d'autre désormais que Rose, Edmond et Charles dans leur fuite vers la liberté.