Métachronique

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dimanche 5 janvier 2020

Ce qu'il me reste... de mots. (Part. 1)

Peut-être qu'on devrait arrêter. De regarder en arrière, de vivre dans le passé... Mais l'art, parfois, s'inscrit si fort en nous et dans le temps ! Alors que reste-t-il en moi de 2019 ?

Il reste une rentrée littéraire puissante et aux plumes incroyables :

77 de Marin Fouqué
Une bête au paradis de Céline Coulon

Digérer. Laisser se répandre en soi deux petits chocs littéraires. Ils disent la terre, crient l’humain abîmé, chacun à sa façon. L’un - Marin Fouqué - au rythme tendu, fait grouiller les mots, gicler des souvenirs sur un abribus, creuse les personnages et les âmes de son style. Ce style ! Des sillons profonds qui laissent entrevoir le dedans, les pensées, le passé. L’autre - Céline Coulon - nous entraîne de bonheur sucré en tragédie boueuse, avec une plume simple et juste. Elle écrit le sol, les racines qui nous traversent ou qu’arrache un virage dangereux. Elle écrit l’amour, le contrarié, le contrariant, indéfectible et infini. Elle enrobe la bouse de beaux mots, d’images fortes.

Cicatriser. Laisser la plaie à vif, qu’elle brûle, pique, palpite encore après le coup. Garder sur soi la mémoire de ces lectures uniques, d’une introduction vive et démente, effrénée, de portraits enlacés dans la terre ou la pierre, de lieux qui nous définissent, nous forment, nous animent, nous avalent ou nous crachent. Du sud 77 au Paradis.

Sœur d'Abel Quentin

Sœur est un mash-up littéraire. C'est Harry Potter en hijab sang et or, c'est un sujet tabou glissé entre le fromage et le dessert, le djihad qui s'invite à la table des ploucs, c'est un slow tendre entre la langue maladroite des jeunes et celle d'un écrivain.
Sœur c'est la foi, celle que l'on perd, celle que l'on découvre, qui s'insinue, qui éclate, éclabousse.
C'est une bombe, de celles qui explosent au milieu de l'océan alors qu'elles pourraient dézinguer le monde. Avec la force de ce qu'il y a de plus grand, de plus divin : la littérature.


Parce que les tatouages sont notre histoire
 d'Héloïse Guay de Bellissen

« Se tatouer c’est aussi profond, même lorsque cela devient une erreur de jeunesse, que d’entamer l’écriture d’un livre. Les deux sont intimes, c’est à l’intérieur et ça doit se terminer en dehors. »

C’est un roman d’histoire : l’histoire du tatouage, des Maoris à Edison ; mais aussi l’histoire intime de nos corps, entre anecdotes, journal et confessions, et puis une histoire d’amour, pour cet art avec lequel on ne fait qu’un.
Ouvrage littéraire inclassable, « Parce que les tatouages sont notre histoire » est un hommage romanesque au tatouage en tout genre, de Johnny à Staline, au tatouage de mémoire, au tatouage artistique, au tatouage qu’on aurait pas dû, au premier d’une longue série, aux prémices d’une addiction. Un livre qui donne envie de s’écrire…


Sale gosse de Mathieu Palain


Ce phrasé qui sonne vrai, les mots de la vie qui vrille, les dialogues du bitume et de la castagne, la répartie délinquante et délicieuse, la réalité de gens comme il en existe tant. C'est tout ça qu'écrit Mathieu Palain dans son roman qui n'en est presque pas un. Il écrit les sales gosses, les aimés de travers, ceux que la société recrache parce qu'ils ne sont pas digestes, avec leur langue et leurs âmes torturées. Il écrit ceux qui sont passés par là, ceux qui s'en sortent et ceux qui tombent, ceux qui les ratrappent, ceux qui donnent une seconde chance. Il écrit avec une plume qui s'envole de la terre, d'un sol boueux et froid, pour finir virevoltante, dans les airs, puissante et belle.


Maintenant, comme avant de Juliette Arnaud


Grâce à Juliette Arnaud, j'ai lu Viv Albertine, dévoré une vie de musique, j'ai lu Graham Swift et sa page 91, j'ai rendu ma pile à lire encore plus haute que la plus haute de tes piles à lire. Juliette Arnaud c'est ce presque homonyme qui parle de bouquins comme jamais personne ne t'en parlera ; c'est la passion des mots, des histoires, du partage. Juliette Arnaud c'est un style, un récit qui digresse, mais qui parvient malgré sa simplicité et son joli bordélisme, à te marquer, à te convaincre, à te toucher. "Maintenant, comme avant" - elle en parlerait mieux que moi - est une parenthèse, un bonbon qui pique au milieu des doux, un pied en dehors de la littérature, une échappée belle.
Alors Juliette, merci, bisou, merci.

Cora dans la spirale de Vincent Message

Je m'égarais sur Facebook et tombai sur un article "top 10 des fringues qu'on n'a pas besoin de laver tous les jours". Sans intérêt. Et puis j'ai lu les commentaires. Erreur. Désormais, je sais que  Thomas Le Motte se lave tous les jours, que Claimi Orz a des enfants et un chien qui salissent ses pantalons, qu'Ellie Noustrois change ses draps chaque week-end et que Gwendoline Vanpeperstraete Parent lance 15 machines par semaine (!!!)... Osef. Thomas, Gwendoline, Claimi, Ellie, si vous voulez à ce point faire part au monde de la teneur en lessive de votre vie, je vous aurais bien conseillé d'écrire un livre sur le sujet. Mais compte tenu de vos talents en conjugaison et orthographe, en fait, non. Laissez donc écrire ceux qui en ont l'art. Comme Vincent Message, par exemple.

Dans son roman "Cora dans la spirale", il dresse avec finesse le portrait du quotidien, de la norme qu'on câline, de la plainte ordinaire. Il raconte une femme victime de la société, d'un "hédonisme empêché", victime d'elle-même, victime des attentes qui pèsent sur ses épaules, d'une spirale infernale, du vertige banal qui prend les gens sages. Il écrit, non pas avec le "je" grossier et égocentré qui inonde les réseaux, mais avec le recul pourtant intime d'un narrateur bienveillant. Il nous plonge dans Cora, nous l'enfile délicatement, avec patience et sans force, comme on habillerait un enfant.

Borrelia, cette "bactérie spiralée" ; Borélia, cette maladie qui tue à petit feu et qu'on appelle aussi travail, boulot, taf, job, emploi, enfer. Et Cora, dans la spirale...


Rien n'est noir de Claire Berest

"Frida peint le détail sur des toiles minuscules et ne cherche rien. Pourtant elle capture le monde entier. Ils ne s'aiment pas parce qu'ils sont peintres. Diego a été séduit par une poupée avec des couilles de caballero, qui peignait sans le savoir une mexicanidad vernaculaire augmentée par son regard unique. Une liberté violente aux couleurs nouvelles. Frida a choisi d'être choisie par l'Ogre. Elle voulait le plus grand, le plus gros, le plus drôle. Toute la montagne. Et maintenant ? Comment s'aime-t-on quand l'autre a cessé d'être impénétrable ?"


Des Astres de Séverine Vidal
Moon Brothers de Sarah Crossan

Deux romans poignants pour les grands ados (et plus), pour ceux qui ont un cœur qui bat très fort au rythme de leurs amours. 

"Hier, je t'ai vue faire des bisous dans la bouche d'un monsieur." 

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