Métachronique

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lundi 12 mai 2025

Célia Garino et autres éclats

Les enfants des Feuillantines - Célia Garino - Ed. Sarbacane, coll. X'prim

Une maison, ça bouge pas, vu que ça sert justement à rester où c'est. Pour qu'on ait toujours un endroit où revenir.

Comme un bon roman est aussi un endroit où retourner quand on a le mal du monde. Comme les familles d'Irving ou d'Emilie Chazerand, cette famille au vocabulaire plus fleuri qu'une ville fleurie, aux tiroirs plein d'histoires et d'émotions vives, cette famille à laquelle on s'attache malgré soi parce qu'on n'a pas d'autre choix ; cette famille, quand on passe la porte la page des Feuillantines, est aussi un peu la nôtre. 


Un bout du monde - Célia Garino - Ed. Sarbacane, coll. X'prim

Le weekend dernier, dans le cadre de mon bénévolat au Planning familial, j'ai suivi une formation sur la posture inclusive. Je venais de recevoir Un bout du monde par Babelio et les éditions Sarbacane (🙏), je l'ai donc glissé dans mon sac pour le voyage en train. 

À un moment, le samedi, le groupe a partagé ses ressources sur la grossophobie, le validisme, la psychophobie, le racisme et la lgbtqia+phobie. Cinq grandes feuilles pour un maxi remue méninges.

Et puis on a parlé des œuvres. Des problèmes qu'elles posent. Ça a pas mal bousculé mon en-dedans, cette formation.

C'est toute confuse que j'ai pris le train retour, avec dans mon sac mille réflexions, une immense frustration et mon livre.

J'aurais aimé le noter sur ces grandes feuilles. Parce que dans Un bout du monde, il n'y a pas de misérabilisme. Ça parle vrai, drôle et touchant. Célia Garino ne prend pas de détours, ni dans le fond, ni dans la forme ; pourtant il y a plein de chemins qui mènent au bout du monde, cette maison-famille pour enfants extra-ordinaires.

J'en suis restée trou-bé.

dimanche 12 mars 2023

"What the fucking hell, Yolande "

 

Fantaisies guérillères de Guillaume Lebrun

J'ai grandi à Beaugency, entre Blois et Orléans. Je vous laisse imaginer le nombre de statues de Jeanne d'Arc, les rues, avenues et places qui portent son nom, toutes les zinzinades locales autour de la pucelle qui dégagea les englishes ! "Guillemette-moi le mot s'il te plaît".

Vous comprenez donc aisément que le moyen-âge et moi ne faisons pas bon ménage, et que ladite Jeanne me sort par les trous de nez... Ça, c'était sans compter le génie de Guillaume Lebrun ! 

"Il lui faisait bourdonner le Saint-Sépulcre"

Avec une langue fourrée de franglais, de références populaires (coucou Mylène, salut Céline), d'anachronismes et d'ancien français sauce 2022, le plaisir de lecture est à 100%. Oubliez les cours d'histoire, lisez cette bombasse fistorique, entre mythologie française et grand n'importe quoi.

C'est un recueil de punchlines et expressions savoureuses à placer à l'envi au détour d'une conversation. C'est bon, c'est drôle, ça ne ressemble à rien d'autre et rien que pour ça, bravo. Merci.

samedi 1 janvier 2022

"I'm sparkling !"

 


Maid est fait d'instants volés, où l'on voit par le prisme d'Alex, où la vie ressemble à ce qu'elle est vraiment : bizarre, compliquée, injuste, triste, superbe. L'amour s'écrase sur la réalité.

Maid est fait de fulgurances et de pointes qui crèvent le cœur. Du regard d'une mère, du sourire d'un père. Des regards d'un homme, des sourires d'une gosse. Des humeurs d'une mère, de l'enfance d'un père.

Maid est fait de mensonges et de franchise, de détails et de beauté, de saleté, d'odeur de poussière et de nouilles instantanées. De dialogues qui régalent et déchirent, de silences réussis, parlants.

Maid est fait d'un épisode 4 d'anthologie, de scènes qu'on croyait voir venir alors qu'on avait tout faux, d'humour sortant de nulle part, inattendu. Il y a des larmes dedans, parfois, quand le coeur se tord.

Maid est fait de petites choses. Ces petites choses qui font les bonnes séries.

samedi 18 décembre 2021

Blanche Gardin ou l'admirable maîtrise du malaise.

 


J'ai ri, de moi au travers d'autres, de nous comme profondément humains et nuls, d'eux qu'elle incarne avec finesse, dans un grincement étrange. C'est singulier. Jouissif dans la gêne, dans cette exaltation de la bêtise qui nous caractérise.

"La meilleure version de moi-même" est à regarder avec suffisamment de recul, sur soi et le monde ; avec un second degré qui cajolerait le premier ; à voir parce que c'est un miroir grossissant de la société, en plus rigolo. 

Du coup ça dérange, elle tape en plein dans le mille du malaise ; ça nous renvoie à nos contradictions. Et moi, j'aime ça. J'aime les oeuvres douces et bienveillantes, mais aussi celles cruelles et cyniques, j'aime les oeuvres féministes et les blagues sexistes. J'aime Mona Chollet et Blanche Gardin.

Je ne suis pas une bonne personne. Je suis la pire version de moi-même. 

mercredi 1 septembre 2021

You are what you eat

Foodie love, une série d'Isabel Coixet


Un homme. Une femme. Un algorithme. Et un café, juste un café. Huit épisodes autour d'une table, d'un zeste d'orange ou d'un verre ; des pensées qui fusent en espagnol, en français ; un couple qui se forme doucement, prend le temps, se raconte...

"Quoi de plus triste qu'un couple qui n'a rien à se dire au restaurant ?"

Comme une saveur nouvelle, qui palpite sous la langue, excite l'oreille, caresse la vue, stimule les sens... Foodie love est ce genre de rareté qui réveille, une de ces séries qui bousculent parce que ce qu'il s'y passe est inédit, profond, agréable. Y'a tout là-dedans : ce que l'on dit, ce que l'on pense, ce qui est beau et ce qui est super nul. Le nez qui coule, des regards appuyés, vomir, des blessures chuchotées, un baiser mémorable, des envies pas du tout réfrénées, la vie. La vie, simplement. Débordante. Dévorante.

Il y a les gyozas qui gonflent sur la plaque chauffante, un champagne qui explose les barrières et délie les langues, une glace partagée entre deux êtres à des milliers de kilomètres, il y a des scènes inoubliables, des plans pleins de poésie et des mots choisis. Comme dans une bonne série.

vendredi 2 juillet 2021

There is a big three, in my garden

 


Si This is us me touche autant, c'est parce que je sais que je ne vivrai jamais ça : des frères et soeurs, des enfants, une grande famille pleine d'esprit et de force. Je serai celle qui éteint un nom, un ventre vide, la branche qui meurt. Je ne ferai pas d'enfant parce que le monde, parce que les Hommes, la religion, parce que la culpabilité, le progrès, le capitalisme, parce que le vin et le fromage au lait cru, parce que le chômage, le viol, le harcèlement, la dérive humaine. Parce que la vie, je n'en ferai pas. Peut-être que je n'en n'aurais pas, parce que la liberté, les préjugés, la société. 

Alors oui, ça déchire, ça noue à l'intérieur de suivre cette famille, ces génération qui ont eu le même âge dans des mondes différents, aux espoirs différents, aux avenirs différents. Ça remue de suivre cette famille qui a été, et qui se bat pour être toujours. Cette famille où l'on se marie, où l'on fait des enfants, où l'on adopte, où on se meurt, où l'on se sépare, on se répare.

Si s'identifier est donc impossible, s'émouvoir est pourtant une évidence. Même si la beauté est dialoguée, même si elle est écrite, scénarisée à l'américaine, c'est PUTAIN de magnifique. Ça jaillit de larmes à chaque épisode, pendant 5 saisons intenses et on voudrait que ces vies n'en finissent pas. Les suivre en pleurs jusqu'à ce que mort s'ensuive, pour le meilleur et pour le pire - qui parfois, chez les Pearson, est aussi le meilleur.

Une famille idéale par procuration, voilà ce que m'a offert This is us, et c'est pas rien. Pleurer ces enfants, ces frères et sœurs, ces mariages et relations que je n'aurai jamais, mais ce bonheur que j'ai trouvé malgré tout et qui, je le crois, est aussi beau et puissant que cette série est bouleversante.

vendredi 4 juin 2021

"On ne demande pas aux gens l'autorisation de les aimer, peut-être qu'on devrait."


L'histoire est toute simple et c'est Pénélope qui nous la raconte : Yliès est amoureux d'elle, mais Pénélope, elle, ne l'aime pas. Pas comme ça. Pas comme lui.

♥️♥️💔

Julia Thévenot nous glisse entre les mains un remontant bien plus authentique que des phrases toutes faites : la réalité brutale des points de vue. Oui, parce que dans une histoire d'amour, il y en a toujours deux, des points de vue. Des points de sentiment. Et même si ça fait mal, même si ça déchire, transperce et que ça tord, celui d'en face n'est pas forcément le même que le sien. 

 Un petit roman majeur pour tous les cœurs tristes, pour tous les amoureux qui ont pris la route du love en sens unique, un roman pour commencer enfin à se comprendre et apprendre à se pardonner.


Lettre à toi qui m'aime de Julia Thévenot, aux éditions Sarbacane. 2021