Blast - Grasse carcasse (T1), L'apocalypse selon St Jacky (T2), La tête la première (T3)
Manu Larcenet
Nous entrons la tête la première
dans ce triptyque. Chaque volet est une œuvre d’écriture terriblement sensible
et puissante. De l’encre diluée entre deux traits fins ; la nature, dans
tout ce qu’elle a d’inquiétant, regards menaçants d’oiseaux perchés et
immobiles ; des taches éclatées d’eau et de noir, des taches de sang ou de
chocolat en nuances de gris, éclaboussées. Et soudain, nous sommes capturés
dans le Blast, dans cette caverne aérienne aux murs colorés de fresques
enfantines.
"L'expérience de la liberté est difficile et dangereuse. Elle impose de s'oublier et de s'affranchir de la société des hommes. Rares sont ceux qui résistent à la révolution intime qui résulte de ce sacrifice."
Plus qu’un interrogatoire en
trois tomes, Blast est un constat. C’est un homme qui raconte son histoire,
avec en lui, gonflante, une humanité en révolte. C’est le cheminement d’un
récit balisé de majestueuses statues maories, le récit d’un fou dans un monde
contradictoire.
"Hypocrite époque qui exalte les modifications corporelles douloureuses... souffrir pour maigrir, se muscler la viande ou s'affermir le croupion... se tatouer, se percer, se gonfler de plastique, se faire drainer la graisse comme on vide une fosse septique, se faire charcuter le nez, les joues, les lèvres, les mamelles, les complexes... mais dès qu'on exprime le désir de se modifier l'esprit, surtout au travers d'une délicieuse ivresse, on devient un méprisable déséquilibré."
Le premier tome étonne, surprend
surtout. Nos yeux se retrouvent face à une poésie rare, boueuse, écorchée. Le
dessin est porteur d’une forte émotion, soutenue par les dialogues ou les
descriptions. Ce premier tome est un bijou crasseux. Les deux suivants sont
plus noirs, plus narratifs, mais chacun recèle de pépites fragiles. Et les volets
se referment sur une fin magistrale, marquante et subtile.
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