Si certains films se laissent oublier, d’autres vous
marquent à jamais de scènes à couper le souffle. Ainsi, dans votre esprit sont
peut-être inscrits les plans séquences de Cuaron, le bain de minuit d’un homme
au singulier ou une certaine pluie de grenouilles majestueuse. S’y ajoutent
aujourd’hui un jet de pétrole enflammé et la partie de bowling mémorable de
There will be blood. P. T. Anderson est un cinéaste du souvenir. Son secret tien
dans la magnification de l’action par la lenteur. Le réalisateur étire l’espace
et le temps, il sait jongler à la fois avec la contemplation et avec les
moments forts, il rythme la longueur.
Au-delà d’une image frôlant la perfection, d’une
photographie aride et suante, ce film dresse surtout le portrait vertical et
éprouvant d’une déchéance. Le personnage de Daniel Plainview, un exploitant de
pétrole à l’ambition plus grande que le cœur, creuse le propre fond qu’il
finira par toucher, creuse lui-même le puits d’où jaillira sa folie.
There will be blood est l’histoire d’un homme seul,
entouré d’une fausse famille et de mensonges. Daniel Day Lewis livre, une fois
de plus, une performance sans failles. Mais Anderson a toujours su tirer le
meilleur de ses acteurs. On se rappelle, ému, l’incroyable jeu de Joachim
Phoenix dans the Master ou la métamorphose ironique de Tom Cruise dans
Magnolia. Ici, le combat vain pour l’influence, entre Day Lewis et Paul Dano
(jouant un jeune prêtre), fait froid aux yeux tant il est crédible et violent.
Cette atmosphère masculine est suffocante. Absence de femmes, de mères, il n’y
a pas d’amour dans le décor, rien qu’un immense désert de sentiments.
There will be blood est douloureux, mais majeur.
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