Le monteur est un peu
comme un maçon, si vous voulez. Et par là, le réalisateur serait
l'architecte. Alors, pour "construire" un film, le
réalisateur établit un plan : son scénario, puis il choisit ses
matériaux : les images, la musique, les acteurs... On préférera
des matériaux de première qualité pour obtenir un film solide,
sinon, avouez que c'est branlant une maison avec des murs qui
s’effritent ! Bref, même si certains choisissent par pur snobisme
de privilégier la toiture à la peinture, c'est bien là leur
problème, ils étaient prévenus... Enfin, quand vous avez réunis
parpaings et charpente, il faut assembler le tout histoire qu'il
ressemble à quelque chose ! Et là, le monteur-maçon entre en jeu.
Vous pouvez évidemment le faire vous même, mais à vos risques et
périls... Le monteur, c'est d'abord celui qui choisit comment
agencer les briques pour que votre maison tienne debout, puis il
cimente l'ensemble pour donner le jour au projet de l'architecte. Et,
vous le savez, il est également ce mini-dieu tout puissant qui
rythme le film, lui offre un souffle, une âme. Si un acteur sonne
faux l'espace d'une minute, le monteur peut remplacer la brique
cassée par une meilleure. Si une image se casse la gueule, il lui
tend la main et la redresse.
Bref, venons-en au fait :
Victoria. Tourné en plan-séquence comme les précédents Casa Muda
et Birdman (mais sans aucune coupe, même dissimulée), en se payant
une musique de luxe (Nils Frahm) et des acteurs plutôt bons,
Victoria met donc malgré tout le monteur au placard. MAIS POURQUOI ?
Pourquoi ? Parce que son scénario est bâti sur un plan carré
et sans fenêtres, avec une simple porte pour y entrer et en sortir.
Alors pour que cet essai ennuyeux paraisse sexy, on lui a collé une
technique intrigante : le one cut. Erreur ? Oui et non, car
même remanié à coups de ciseaux, les incohérences et l'agacement
qu'elles induisent ne se seraient pas changés en dialogues
flambants, ni en chef d’œuvre au simple baiser maçonnier d'un
monteur ambitieux. Un montage aurait, en revanche, évité la
prise de vue approximative, les mises au point incessantes, le
brouillon visuel...
Alors pourquoi j'ai aimé
Birdman et pas Victoria ? Parce que Birdman jouit de matériaux
de qualité : bien filmé, excellemment joué, scénario malin.
Et ce dernier possède aussi l'immense avantage du rythme.
« Le montage est la
force créatrice fondamentale par laquelle les photographies sans âme
(les plans séparés) sont organisés en une forme cinématographique
et vivante. » Poudovkine
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