La foule se bouscule, elle se presse dans l'entonnoir que forme
l'entrée du Rocher Palmer. A gauche, une mêlée indisciplinée, pressée,
prête à se ruer dans la fosse de Christine & the queens. A droite,
un boulevard, un micro Sahara en plein Tokyo - en somme. Le public de
Cécile McLorin Salvant est installé dans la petite salle au plafond
rouge. Sur la scène, la lumière embrasse les trois instruments massifs
qui dorment serrés les uns contre les autres. Le piano bouche bée
surplombe une contrebasse couchée au sol. Et la batterie veille,
lumineuse, étincelante, sur ses deux complices. Aaron Diehl et son trio
de musiciens réveillent leurs instruments endormis, en douceur. Sans
plus attendre, sans chichis de mise en scène, elle arrive, enlace le
micro et chante. Pas de place pour laisser passer les anges.
Elle
chante à l'oreille, tout près, tout bas, puis s'éloigne pour lancer sa
voix et occuper tout l'espace. Ils se regardent, se laissent de la
place, le piano se fait doux quand la voix murmure, la batterie s'excite
quand la voix devient sauvage, la contrebasse s'en mêle, liée,
coulante, discrète.
Cécile McLorin
Salvant est tous les jazz à la fois, le libre, le contemporain, celui
qui fait danser, celui en français, le comique, l'acide, le profond.
Derrière ses lunettes blanches, elle cache un héritage massif, celui
d'Ella, Sarah et Billie ; elle vient s'immiscer dans le trio de tête des
femmes de caractères, des femmes de jazz. Accompagnée de musiciens
exceptionnels, elle a livré hier soir un moment de musique inoubliable et intime, à côté duquel est passé sans le savoir le public attroupé de Christine & the Queens.
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